Cuba parte dos : vers une libéralisation de l’économie ?

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À Cuba, les voitures datent des années 50.
Pour résoudre ses problèmes économiques, Cuba a commencé une lente libéralisation de certains secteurs depuis le début des années 80. Mais c’est en 2011, lors du sixième Congrès du Parti Communiste qu’a été annoncé officiellement une longue série de réformes visant à rehausser l’économie. La plus importante est la démobilisation du secteur public, puisque 40 % du personnel doit passer vers le privé[1]. Déjà en septembre 2010, 78 professions avaient basculé : coiffeur, plombier, etc. Dorénavant, il va être possible aux individus qui se mettent à leur compte et même d’embaucher quelques salariés, de vendre des voitures et des maisons plus facilement ou voyager en dehors du territoire. Le mammouth va être dégraissé comme le disait si bien un ancien ministre français. 10 % des postes de la fonction publique vont être supprimés. Les personnes concernées seront réaffectées dans un service déficitaire, iront dans le privé ou obtiendront des terres en usufruit[2].

Les réformes s’attaquent également à la libreta qui permet aux Cubains les plus démunis d’avoir de la nourriture gratuite. C’est un « fardeau insupportable » selon Raul Castro.  « La disparition de la libreta ne constitue pas une fin en soi, mais doit être une des mesures qu’il sera indispensable d’adopter dans le cadre d’une amélioration de la productivité du travail ». Mais sans mesure forte pour rénover le secteur agricole qui dépend très largement des importations, cette initiative risque d’accroitre les difficultés des plus pauvres.

D’autres modifications de l’économie, plus structurelles, vont être menées. Depuis 2004 cohabitaient le peso cubain (CUP) et le peso convertible (CUC). Après la chute de l’URSS, Cuba avait autorisé le dollar. Mais ce double marché monétaire a engendré des inégalités au sein de la population. Ainsi, il est désormais possible de convertir le CUP en CUC, mais une nouvelle réforme est prévue sans qu’elle ait été détaillée.

L’avenir de Cuba est incertain. Jusqu’où va mener la libéralisation de son économie ? Malgré ses problèmes de viabilité le système a un taux de chômage très faible comparé au notre (2 % contre 9,5 %), l’espérance de vie des Cubains est proche de celui des étatsuniens (78,5 ans contre 79,1 ans en 2010), le système de santé a une renommée mondiale, la libreta permet aux plus pauvres d’avoir accès à de la nourriture gratuite, de nombreux services sont gratuits (santé, éducation, sport, culture) et, plus anecdotique, il n’y a pas de panneaux publicitaires dans les rues, ni de mendicité infantile[3].

Cependant, sont maintenus, la planification et l’interdiction de l’accumulation des biens privés, points essentiels du modèle socialiste cubain et objets de critiques de la part des penseurs capitalistes qui y voient une entrave à la liberté.

Cette « libéralisation » de l’économie cubaine ne laisse pas avares de commentaires le camp des « pros » et celui des  »antis ». Pendant des années, ces derniers ont critiqué sans relâche les difficultés du régime. Dans leur analyse, il était rare de voir un constat positif sur le modèle cubain, ni les effets néfastes du blocus. La main mise de l’État était pour de nombreux analystes et économistes d’obédience libérale un frein à la croissance. Il leur semble naturel d’avoir un pays qui voit sa production croitre chaque année. Cependant, il s’agit d’une vision dogmatique de la pensée capitaliste. La terre est une entité finie et donc la croissance ne peut être infinie. Il leur est difficile de concevoir d’autres alternatives à la loi du marché, d’où leurs réjouissances en entendant les sirènes du capitalisme s’approcher de Cuba. En revanche, le côté adverse est plus modéré, comme l’exprime l’écrivain cubain Leonardo Padura : « Le gouvernement ne veut pas réformer le système politique (…). Il est à la recherche d’autres solutions économiques qui confortent sa position politique ».

L’ouverture économique est un fait aujourd’hui. La question aujourd’hui est de savoir jusqu’où va aller Cuba dans ses réformes. Vers une totale libéralisation qui a vu des pays d’Amérique latine sombrer dans la violence à cause des très fortes inégalités sociales ? Raul Castro veut rassurer : « j’assume mon dernier devoir avec une ferme conviction et l’engagement [...] à défendre, préserver et continuer de perfectionner le socialisme, et ne jamais permettre le retour du régime capitaliste. »

Touts les articles du dossier sur Cuba :

  1. Renaud Lambert, Ainsi vivent les cubains, Le Monde Diplomatique, avril 2010. []
  2. droit de jouir d’un bien dont un autre a la propriété, à charge d’en assurer sa conservation : http://vosdroits.service-public.fr/F934.xhtml []
  3. Renaud Lambert, Ainsi vivent les cubains, Le Monde Diplomatique, avril 2010. []
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