Difficile de comprendre ce qui se joue au Moyen-Orient si l’on ne connaît pas les protagonistes. L’islam est la religion majoritaire, mais comme dans le christianisme divers courants existent. La religion islamique comporte trois branches principales : le Sunisme, le courant majoritaire, le Chiisme et le Kharidjisme. Il existe ensuite plusieurs ramifications. Dans le sunisme ont retrouve les wahhabites — en Arabie Saoudite — et les salafistes. Dans le chiisme il y a les duodécimains, les ismaéliens, les zaydites, les Druzes, les alaouites, les alevis et les zaydites. Il est important de savoir que les courants chiites et sunnites ne sont pas en très bons termes comme le démontre le conflit à Bahreïn où la minorité sunnite au pouvoir massacre la majorité de la population d’obédience chiite.
Une guerre de succession
La scission entre sunnites et chiites intervient à la mort du Prophète Mahomet. Pour les Chiite Ali, le cousin, disciple et gendre de Mahomet, devait être le premier calife — littéralement « successeur » du Prophète Mahomet —, car, selon eux, c’est aux seuls descendants de Mahomet que peut revenir le titre et la compréhension du Coran est réservée aux seuls descendants du Prophète puisqu’ils seraient les seuls aptes à le comprendre et à l’interpréter correctement. En revanche, pour les sunnites, il s’agit du quatrième calife — après Abou Bakr, Omar ibn al-Khattab et Uthman ben Affan. Selon eux, le titre revient aux compagnons — Sahabah — c’est-à-dire les premiers à adhérer à la fois du Prophète.
Différences
La base de ces deux mouvements est la même. Un texte que j’ai repéré sur différents forums et blogs, puis vérifié, mais dont je n’ai pas trouvé la source originale synthétise leurs différences :
Les sunnites disent : il y a de dieu que Dieu et Mohammad (saw) est le Prophète d’Allah. C’est le Sceau des prophètes et nous avons le Saint Coran et la sunna (traditions qui rapportent la vie du Saint Prophète (saw)) qui nous guident de siècle en siècle.
Les chiites disent : nous sommes entièrement d’accord avec tout cela, mais en plus le Saint Prophète (saw) a désigné, sur ordre de Dieu, un successeur en la personne de Ali (as), cousin et gendre du Prophète (saw) et il l’a désigné (sur ordre d’Allah) lors du retour de son dernier pèlerinage à Ghadir khum. Puis après Ali (as), succèdent onze Imams (as) qui sont après la clôture du cycle de la Prophétie les Guides spirituels, les Garants et Représentants désignés par Allah, ils sont également désignés comme gardien du Saint Coran et appelé « Coran parlant ». Pour les chiites leurs paroles sont des hadiths au même titre que les paroles du Saint Prophète (saw).
Le dernier et douzième Imam est le Mahdi (as). Entré en occultation, il est pour les chiites présent, mais caché au regard de la majorité des hommes qui sont incapables de le reconnaître et de l’accepter (son retour, sa réapparition physique est attendue pour la fin des temps, également par les sunnites), il est cependant présent au cœur de chaque chiite, dont le plus cher désir est d’établir un lien spirituel avec lui.
Les piliers de l’Islam selon les courants
Les deux mouvements suivent également les cinq piliers de l’Islam qui définissent les devoirs des pratiquants :
- La Chahada, est l’attestation de foi de l’unicité de Dieu et de la prophétie de Mahomet : c’est la plus importante.
- Les cinq prières quotidiennes ou Salat (As-salaat) peuvent être faites n’importe où, en direction de la kaaba
- L’impôt annuel : la zakat (Azz-zakaat) est l’aumône aux pauvres dans les proportions prescrites en fonction de ses moyens.
- Le jeûne du mois de ramadan : le saoum (As-siyam) de l’aube au coucher du soleil, le jeûne est prescrit.
- Le pèlerinage à La Mecque : le hajj (Al hajj) au moins une fois dans sa vie si le croyant ou la croyante en a les moyens physiques et matériels.
Mais les chiites duodécimains en ont cinq supplémentaires :
- Khums, le 1/5 taxe prélevée sur chaque revenu qui ne correspond pas a un travail ou un héritage (dons, offrandes récompenses, primes…)
- Jihad (« lutte »). Le Jihad grand ou interne est les luttes, les efforts que doit faire une âme face aux démons. Le Jihad, petit ou externe, est le combat ou effort que le croyant doit faire vis-à-vis de l’environnement et différents aspects de sa propre vie.
- Amr-Bil-Ma’ruf ou encourager ce qui est bon
- Nahi-Anil-Munkar ou empêcher ce qui est mauvais
- Alwillaya, aimer la Ahl al-Bayt (famille du prophète) et ses successeurs
Tandis que les chiites Ismaéliens n’en reconnaissent que quatre :
- Walayah : amour et dévotion pour Allah, le Prophète, l’imam (et son Dai)
- Taharah : pureté et propreté
- Salat : prière quotidienne
- Zakat : l’aumône
- Jeûne du Ramadan
- Hadj ou pèlerinage
- Jihad (« lutte »), dans le sens biblique « la foi sans œuvres est morte ».
Enfin, les Druzes refusent la charia et donc les pratiques des piliers. En revanche, ils doivent être dévolus à Allah, le Prophète et l’imam.
Source Wikipédia
Répartitions géographiques et conséquences géopolitiques
Les chiites totalisent 15 % (environ 150 millions) d’individus. Ils sont majoritaires dans quatre pays :
- Iran (60 millions sur 70 millions d’habitants)
- Azerbaïdjan (85 %)
- Bahreïn (75 %)
- Irak : (64 % soit 30 millions d’habitants)
Ils sont également présents en minorités dans plusieurs autres pays :
- Yémen : 45 % de zaydites
- Turquie : 15 – 20 % Alévisme
- Syrie : 11 % d’Alaouites et 4 % de Druzes
- Koweït : 20 %
- Émirats arabes unis : 13 %
- Afghanistan : 18-25 %
- Qatar : 5 %
- Égypte : 1 %
- Arabie saoudite : 5 %
- Pakistan : 20 %
Actuellement à Bahreïn se déroule un massacre de la population chiite. La famille royale au pouvoir est sunnite et réprime les manifestants chiites qui demandent plus de justice sociale. Dans un article précédent, j’expliquais pourquoi les Étasuniens et ses comparses occidentaux interviennent en Libye et non à Bahreïn.
Outre le statu quo leur permettant de garder la main mise sur le pétrole, j’évoquais la présence de l’Iran qui constitue une menace pour les intérêts étasuniens. L’Iran est à majorité chiite et n’est donc pas amis avec les pays pétroliers du Golf Persique dont leur population est majoritairement sunnite (Qatar, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Yémen) ou bien le gouvernement l’est (Bahreïn). Seul le Sultanat d’Oman est à majorité ibadiste, une branche du kharidjisme. Un changement de gouvernement à Bahreïn pourrait voir une majorité chiite accéder au pouvoir et s’allier à l’Iran. Mais les manifestants rejettent toutes alliances, malgré les accusations de la part du gouvernement bahreinite.
L’Irak est un des rares pays à majorité chiite du monde. Tout l’Est du pays a des frontières communes avec l’Iran. Lorsque Sadam Hussein était au pouvoir, le pays était laïque. Il avait fait expulser d’Irak l’ayatollah Rouhollah Khomeini, exilé durant la dictature du chah, pour ses activités pro-chiites. Ce même homme proclame en 1979 la République islamique d’Iran. Par la suite, il va essayer de mener un soulèvement chiite en Irak. Par crainte de voir une montée des religieux dans son pays, Hussein attaque l’Iran en septembre 1980. Il sera soutenu et armé par les États-Unis. Maintenant qu’il n’est plus au pouvoir et que le gouvernement actuel est instable et corrompu, on peut craindre une arrivée des religieux au pouvoir.
Actuellement les rares alliés de l’Iran dans la région sont la Syrie et le Hezbollah au Liban. Parti politique avec une branche armée, il a été fondé lors de l’attaque du Liban par Israël en 1982. Ce mouvement est un des garants de la sécurité de l’Iran, puisqu’en cas d’attaque étasunienne, le Hezbollah répliquerait immédiatement contre Israël.
Pendant ce temps, les gouvernements des pays pétroliers soutiennent les États-Unis qui à leur tour ne regardent pas ce qu’ils font contre leur population — comme c’est le cas à Bahreïn. Cependant, certains câbles diplomatiques révélés par Wikileaks montrent que les habitants des pays pétroliers du golf sont majoritairement hostiles à une attaque contre l’Iran. Comme quoi, les gouvernements ne représentent pas toujours les peuples, dictature ou non.
Enfin, que ce soit un gouvernement chiite ou sunnite qui applique la charia — loi islamique — celle-ci est appliquée de façon autoritaire laissant peu de place à l’émancipation des femmes par exemple comme en Iran ou en Arabie Saoudite. Pourtant, les sunnites sont considérés comme plus libéraux. D’abord parce que le calife doit être élu et non conféré par l’hérédité. Ensuite, il existe de nombreux pays plus ou moins démocratiques à majorité sunnite alors qu’actuellement les chiites sont au pouvoir en Azerbaïdjan, en Syrie – la population est sunnite à 60 %, mais le régime est dirigé par des chiites – et en Iran. Toutefois, il existe des chiites progressistes tout comme il existe des sunnites fondamentalistes comme les salafistes souvent perçus comme étroits d’esprit. Dans cette ramification on retrouve les Frères musulmans, un parti politique égyptien et surtout Ben Laden et son groupe Al-Qaïda dont les premiers membres étaient salafistes.
C’est une vraie partie d’échec qui se joue au Moyen-Orient, avec un filigrane permanent, le conflit israélo-palestinien qui, en cas de solutions satisfaisantes pour les deux peuples, pourrait détendre l’atmosphère de cette région du monde. L’occident n’aurait plus qu’à trouver un nouvel ennemi à stigmatiser…