En 2008,
l’Union européenne a levé ses sanctions contre Cuba. Le chef de la diplomatie luxembourgeoise Jean Asselborn a déclaré «
La levée des sanctions nous donnera un moyen plus efficace de nous occuper des droits de l’Homme ». Quelle hypocrisie ! Dans son rapport sur « les droits humains en République de Cuba », Amnesty Internationale indique qu’en mai 2010 Cuba «
a été réélu au Conseil des droits de l’homme [ONU] pour un nouveau mandat de trois années ». Dans cette institution onusienne siègent 47 pays, choisis de manière à ce qu’ils soient équitablement répartis géographiquement et qu’ils respectent les droits fondamentaux de l’être humain. Toujours dans le rapport de l’ONG : «
À la fin de l’année [2009], 55 prisonniers d’opinion demeuraient incarcérés pour le seul fait d’avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression. » Pourtant, dans un rapport datant de mars 2008, l’ONG précisait que «
la plupart ont été inculpés d’“actes contre l’indépendance de l’État”, pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba. Parmi ces activités, on peut citer la publication d’articles ou les interviews données à des médias financés par les États-Unis, et le fait de communiquer avec des organisations internationales de défense des droits humains et d’avoir des contacts avec des entités ou des personnes considérées comme hostiles à Cuba ».
La divergence des diverses parties — pros et antis castristes — à propos des prisonniers politiques semble résolue puisque, sur les 55 individus recensés, « 20 ont été libérés en juillet 2010 et 6 autres le 15 août 2010, suite à la médiation de l’Église catholique et de l’Espagne, et deux autres auparavant »[]. En août 2010, il n’en restait donc plus qu’un seul, Rolando Jimenez Pozada, « emprisonné pour désobéissance et pour avoir révélé des secrets d’État ».
Sans vouloir faire de comparaison macabre pour savoir quel pays est le pire, je pense qu’il est intéressant de jeter un oeil sur le rapport de 2010 rendu par Amnesty sur les États-Unis. Il évoque les 198 prisonniers de Guantánamo toujours détenus à la fin de l’année 1999 et emprisonnés « pour une durée non déterminée et sans inculpation », les détenus de la base aérienne de Bagram en Afghanistan où « plusieurs centaines de personnes, dont des enfants, étaient toujours détenues par les forces américaines », le programme de détentions secrètes de la CIA qui conserve « le pouvoir de détenir des personnes “de manière brève et transitoire” », l’impunité et l’absence de voies de recours « pour les violations des droits humains » perpétrés durant la « guerre contre la terreur » du gouvernement Bush. En fait, la liste est très longue, donc je ne vais pas l’énumérer en entière, mais elle comprend également la peine de mort, l’embargo contre Cuba, les conditions de détention, les migrants, les procès inéquitables, l’utilisation de pistolet Taser qui ont causé la mort de 309 personnes en 2001. De cette lecture, nous pouvons remarquer que Cuba respecte bien mieux la dignité humaine que les États-Unis et constater que le choix s’en prendre à Cuba sur les droits de l’Homme montre une volonté politique de nuisance.
La peine de mort a toujours cour à Cuba, mais elle n’est plus appliquée depuis avril 2003. En 2008, Raul Castro a demandé de transformer les condamnations à mort en peine à perpétuité. Espérons qu’à terme, la peine de mort soit prohibée.
La question de l’homosexualité a beaucoup évolué à Cuba depuis le début de la révolution et la mise dans des camps des homosexuelles. En août 2010, Fidel Castro faisait son mea culpa : « Après mon arrivée au pouvoir, les représentants des minorités sexuelles étaient persécutés… C’étaient des moments de grande injustice… de grande injustice ! » En 1989, une première loi dépénalisait la sodomie et huit ans plus tard, il n’y avait plus de loi à caractère homophobe. Pour montrer ça volonté de combattre l’homophobie, Cuba a signé une déclaration en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité en décembre 2008 avec 66 autres pays de l’ONU. Cette acceptation de l’homosexualité en fait un des pays les plus progressistes d’Amérique latine sur ce sujet.
Un point noir des points noirs à Cuba reste la liberté de la presse. Sur ce sujet, les partisans de Castro restent souvent muets. Ils s’en prennent aux critiques de la presse cubaine, mais ne la défendent pas. Et pour cause, elle reste très contrôlée par l’État. Sa crédibilité et son objectivité sont donc nulles et fausse la démocratie. Les journalistes de presse indépendante sont surveillés, harcelés ou arrêtés. Cependant, le 8 avril a été libéré le dernier journaliste incarcéré.
Raul Castro a fait part sa volonté de changement : « Notre presse parle assez de cela, des conquêtes de la Révolution, et nous en faisons autant dans les discours. Mais il faut aller au cœur des problèmes […] Je suis un défenseur à outrance de la fin de la culture du secret, car derrière ce tapis doré se cachent nos manquements et ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change [...] Dans une grande entreprise laitière de l’État de Camagüey, Le Triangle, pendant des semaines, on donnait le lait produit à des cochons du coin, car le camion-citerne était en panne. J’ai alors demandé à un secrétaire du Comité central de dénoncer cela dans Granma. Certains sont venus me voir pour me dire que ce genre de critiques était contreproductif, car cela démoralisait les travailleurs, etc. Mais, ce qu’ils ne savaient pas, c’est que j’en étais à l’origine »[].
Au sujet des, Internet joue un rôle primordial. Et là encore, Cuba n’est pas bien loti. Reporters sans frontières (RSF)[] a mit Cuba parmi les treize ennemis d’Internet : « Avec moins de deux internautes pour 100 habitants, Cuba figure parmi les pays les plus en retard en matière d’Internet. [...] Tout d’abord, il a peu ou prou interdit les connexions privées au Réseau. Pour surfer ou consulter leurs e-mails, les Cubains doivent donc obligatoirement passer par des points d’accès publics (cybercafés, universités, “clubs informatiques pour la jeunesse”, etc.), où il est plus facile de surveiller leur activité. » Dans son rapport, RSF reconnait tout de même que « le régime ne dispose pas des moyens nécessaires pour installer un système de filtrage systématique, mais il s’appuie sur plusieurs facteurs pour limiter l’accès à Internet : la lenteur des connexions et le coût exorbitant de celles-ci — près de 1,5 dollar l’heure, dans un hôtel, pour avoir accès au réseau international alors que le salaire mensuel moyen des Cubains est de 20 dollars — ces obstacles expliquent pourquoi le nombre d’internautes et le temps de connexion continuent à être limités ». La donne va peut-être sensiblement évoluer. En effet, Cuba n’est relié à aucun câble — à cause de l’embargo étatsunien — qui permet d’avoir une connexion Internet confortable. À l’heure actuelle, le pays doit passer par des connexions satellites beaucoup plus lentes. Cependant, depuis février 2010, un câble est en train d’être installé entre le Vénézuéla et l’ile. Mais il ne répondra pas à toutes les attentes puisqu’il profitera en priorité aux Universités et aux journaux avant les résidents. De plus, le coût de l’installation a couté plus cher qu’annoncé et la connexion devait être établie en septembre 2011 ce qui n’est pas encore le cas.
Les institutions cubaines sont donc loin de constituer une dictature malgré les préjugés. Les réformes à venir devront permettre au pays d’évoluer. Cuba a sans doute attendu trop longtemps. L’arrivée de Raul Castro a fait bouger les lignes. C’est une bonne chose seulement si Cuba conserve certaines de ses singularités.
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