Cet article a pour but d'évoquer un événement important de l'Histoire française, mais très méconnu : la Commune de Paris de 1871. Durant la guerre franco-prussienne de 1870, les habitants de la Ville de Paris se sont soulevés contre l'ordre des notables aux pouvoirs. Je ne vais pas évoquer dans le détail tout ce qui s'est passé, il y aurait tellement de choses à dire sur le sujet, notamment l'impact qu'elle a eu sur le socialisme français avec des figures telles Louise Michel, Jules Vallès ou Auguste Blanqui. Ceux qui veulent en savoir plus peuvent se rendre en bas de l'article où j'indique quelques références bibliographiques.
Rappels historiquesLe contexte social d'avant la guerre franco-prussienne est favorable aux ouvriers français :
- le droit de grève a été accordé en 1864
- depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière avec des représentants à Paris (la section française sera dissoute par le gouvernement impérial en 1868)
- la loi sur la liberté de la presse de 1868 permet aux idées anticapitalistes de s'exprimer
En juillet 1870, sous le Second Empire, Napoléon déclare la guerre à la Prusse qui durera jusqu'en janvier 1871. Le 4 septembre 1870, suite aux nombreuses défaites françaises, la République est à nouveau proclamée. Un Gouvernement de la Défense nationale est instauré, car le peuple de Paris veut continuer la guerre. Pourtant, les dirigeants n'en ont pas la volonté. Dans un Paris assiégé, de nombreux ouvriers sont présents au Comité central républicain des Vingt arrondissements qui administre la Ville, dont beaucoup appartiennent à l'Internationale socialiste. Le 31 octobre, les gardes nationaux apprennent la capitulation de Metz et les négociations de capitulation générale. Les premiers « Vive la Commune ! » retentissent. À la demande du Comité central républicain des Vingt arrondissements, l'affiche rouge apparaît le 7 janvier sur les murs établissant un programme d'action :
- réquisitionnèrent général des ressources matérielles et humaines
- rationnement gratuit
- lutte à outrance pour en finir avec le siège
- le gouvernement du peuple
Le 22 janvier, les gardes nationaux revendiquent à nouveau la Commune. S'en suit une vague de répression : tirs sur la foule, arrestation et interdiction des journaux républicains. Le 29 janvier, un armistice prévoit la mise en place de l'élection d'une Assemblée Nationale. La Province élit des conservateurs dont les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes alors que Paris, craignant un retour de l'Empire, choisit un programme proche de l'esprit de 1789.
Jean-Jacques Chevalier (historien et juriste français) disait que «
la Commune était l'expression, chez ses meneurs, d'un républicanisme ultra rouge, antireligieux, jacobin, prolétarien, fouetté par la haine pour cette assemblée monarchiste » dans son livre Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958.
Afin de contrer la Révolution, Adolphe Thiers, élu le 17 février 1871 — premier président de la Troisième république par l'Assemblée nationale réfugiée à Bordeaux — décide de désarmer Paris. Il s'empare des canons, mais il doit attendre une expédition militaire pour les transporter. Le 18 mars, celle-ci fraternise avec les Parisiens. Thiers, refusant de les réprimer, s'exile alors à Versailles avec de nombreux notables.
Le 26 mars, une élection est organisée à Paris pour mettre en place une structure autonome. Il y aura 52 % d'abstention, ce qui équivaut à la précédente élection municipale de novembre 1870 d'autant que de nombreux pros versaillais ont quitté la Ville. Le Traité de Francfort, qui entérine la fin de la guerre franco-prussienne, est signé le 10 mai 1871 :
Les dispositions sont :
- l'annexion par la Prusse de l'Alsace et d'une partie des départements lorrains — La Haute-Alsace avait été annexée par Louis XIV en 1648
- une indemnité de guerre de cinq milliards de francs or à verser en trois ans
Les derniers soldats quitteront Verdun le 16 septembre 1873.
La Commune, quant à elle, prendra fin au cours de la semaine sanglante. Le 21 mai, les Allemands — la Prusse est devenue l'Empire allemand depuis le 18 février — autorisent les troupes de Versailles à entrer dans la zone neutre du Nord de la France, afin de déloger et réprimer les communards. Les combats durent une semaine et l'armée versaillaise, avec l'aide des Allemands, récupère Paris. S'en suivent de nombreuses condamnations à mort ou aux travaux forcés. Après plusieurs tentatives, ce n'est que le 11 juin 1880 qu'ils seront amnistiés.
L'héritage de la CommuneLes événements de la Commune sont parfois perçus de façon caricaturale comme étant une rébellion d'individu ayant profité de la guerre pour prendre le pouvoir. Il est dommage que les cours d'Histoire n'évoquent pas cet événement. La Commune tient une place importante dans les instances politiques et les luttes sociales contemporaines françaises. Elle a contribué à insuffler une dynamique de contestation sociale unique en Europe.
La Commune a permis à la France, 82 ans après la Révolution de 1789, de renouer avec l'esprit révolutionnaire et républicain, mis à mal par l'élite bourgeoise au pouvoir, qui n'a pas été capable de répondre aux attentes du Peuple, et les frasques guerrières de Napoléon qui les a succédé. Les grands combats sociaux du siècle précédent sont directement inspirés de la Commune, notamment les grèves du Front populaire de 1936 et celles de mai 1968.
En 1871, la Commune inventait en deux mois :
- l'école laïque, gratuite et obligatoire
- la révocation des élus
- la création de lycée technique
- le suffrage universel
- la création de crèche
Et d'autres lois non appliquées encore aujourd'hui :
- les étrangers ont eu le droit de vote et d'être élu au gouvernement
- la réquisition des logements pour ceux qui n'en avaient plus
- le mandat impératif (délégation d'un pouvoir pour mener des tâches spécifiques et dont l'individu ou l'organisation ne peut se déroger durant la durée impartie)
Pour de plus amples détails sur ces événements :
— Daniel Bensaïd (philosophe et un théoricien du mouvement trotskiste et dirigeant historique de la Ligue communiste révolutionnaire et de la Quatrième Internationale) à propos de l'héritage de la Commune de Paris :