Guy Delisle
est un auteur québécois de bande dessinée. Dans cet ouvrage, il nous
fait part de son expérience, en 2003, de superviseur d’animation à
Pyongyang, la capitale nord-coréenne. Il devait contrôler les animations
d’un dessin animé pour le compte d’une société française. On peut
aisément imaginer que ce n’est pas la qualité du personnel nord-coréen,
mais le coût de la main-d’oeuvre qui a motivé cette sous-traitance.
Delisle nous fait donc part du quotidien d’un étranger dans le pays
le plus fermé du monde. Dès l’aéroport, ses objets ont été
minutieusement contrôlés. Heureusement qu’auparavant un de ses amis lui
a fait quelques recommandations pour ne pas se retrouver bloqué. Une
fois la douane passée, il devra être en permanence escorté par un guide
lorsqu’il quittera l’hôtel. Il n’est pas question pour le régime de
montrer le véritable quotidien des Nord-Coréens et encore moins de
parler avec eux.
C’est ce contrôle total des individus étrangers qui facilite la
propagande du régime. Celle-ci est omniprésente avec des chants
glorifiants Kim Il-Sung le père de la nation, et son fils Kim Jong-Il
actuel leader du pays. Leurs portraits sont présents partout et les
médias non indépendants relayent les thèses du régime. Le cinéma
nord-coréen réécrit l’Histoire en s’attachant énormément à la guerre de
Corée en montrant en boucle les horreurs commises par les Japonais.
Delsile nous décrit là une société orwelienne qui ne relève pas de la
science-fiction.
Le régime de Pyongyang tient toujours plus ou moins debout grâce au
contrôle total du pays et des flux de migrations. La propagande répétée
a rendu docile une grande majorité de la population. On peut aisément
imaginé que malgré leur désaccord, certains individus ne l’expriment
jamais ou uniquement dans l’intimité. La délation est un des points
essentiels de la censure et agit comme « une épée de Damoclès », pour reprendre les termes de Delisle, sur les citoyens.
Enfin, la Corée du Nord est un des rares pays du monde à ne pas être
connecté à Internet. Si ses dirigeants veulent conserver la dictature,
ils n’ont aucun intérêt à le développer sur le territoire. Les
révolutions tunisienne et égyptienne témoignent que ce média nébuleux
peut transformer des actes de désobéissances isolées en un mouvement de
révolte organisée.
Devant tant de similitudes avec le roman 1984, je me demande si la
Corée du Nord ne s’est pas appuyée sur le roman d’Orwell pour mettre en
place sa dictature. Un excellent témoignage dessiné simplement, mais
de façon attrayante.