La Stratégie du choc ou les théories économiques de Milton Friedman appliquées au monde de Michael Winterbottom, Mat Whitecross (2010)

La Stratégie du choc ou les théories économiques de Milton Friedman appliquées au monde de Michael Winterbottom, Mat Whitecross (2010)
La Stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre.

D’après le livre éponyme de Naomi Klein. Ce documentaire nous explique comment sont utilisés certaines crises financières, la guerre, le terrorisme pour faire passer des réformes impopulaires.

[Retranscription libre]

En introduction du documentaire, Naomi Klein définit un état de choc : « Un état de choc ce n’est pas seulement ce qui nous arrive après un drame, c’est ce qui nous arrive quand on perd nos repères, quand on perd notre histoire, quand on est déboussolé. Ce qui nous permet de garder le cap, de rester vigilants, c’est notre histoire. Une période de crise, comme actuellement [2008], est l’occasion de réfléchir à l’Histoire, aux ruptures et continuités, à nos racines ; l’occasion de nous restituer dans la longue histoire des luttes. »

Les expériences sur l’état de choc commencent en 1951 lorsque des agents du renseignement occidentaux rencontrent des Universitaires à Montréal. Cette réunion se conclura par un programme sur la privation sensorielle qui se déroulera à l’Université Mac Gill de Montréal. « La privation sensorielle produit une monotonie extrême qui entraîne la perte de toute capacité critique. La pensée est moins claire. Le sujet se plein même de ne plus pouvoir rêvasser » explique le docteur Donald Hebb qui a participé à ce programme. Lorsqu’il quitte le projet, il est remplacé par Ewen Cameron, chef du département psychiatrie. Ses expériences iront plus loin que celles menées par Hebb. Cameron voulait déstructurer l’esprit du patient pour ensuite le reconstruire à partir de zéro. Le praticien mélange électrochoc, cure de sommeil et messages passés en boucle. Les patients se réveillaient déboussolés. La CIA va par la suite mettre en pratiques ces théories et les méthodes pour ses interrogatoires. Elles sont présentes dans le manuel d’interrogatoire de l’agence, le Kubark. Une fois en perte de repère, l’interrogé coopère plus facilement. Plus tard quand cette histoire a été révélée, la CIA a dû se résigner à verser des indemnités aux victimes des expériences d’Ewen Cameron.

Keynes contre Friedman

Milton Friedman, maitre de la pensée de l’économie mondiale aujourd’hui, pensait que la stratégie du choc pouvait s’appliquer à l’économie afin que la société accepte une forme plus dérégulée du capitalisme.

Petit retour, en arrière, plus précisément en 1929 et le krach boursier. De nombreux travailleurs se sont retrouvés au chômage. Lors de son discours d’investiture à la présidence des États-Unis, le 4 mars 1933, Franklin Roosvelt décrivit le « New Deal », basé sur les théories de l’économiste Keynes, une branche du libéralisme à l’opposé de celle de Friedman : « Notre première tache est de remettre les gens au travail. Nous pouvons en venir à bout en faisant preuve de discernement et de courage. Je crois profondément que la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même. »

Roosvelt lance alors un vaste programme d’emploi dans les services public afin de résorber le chômage. Cependant, la crise durera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Mais après la guerre, le Plan Marshall – plan des États-Unis pour aider la reconstruction de l’Europe après la Deuxième Guerre mondiale – exporte le modèle keynésien de régulation et d’intervention de l’État en Europe. Les économistes de Chicago menée par Friedman n’étaient pas d’accord avec ce fonctionnement et engagèrent alors une guerre contre le « New Deal ». Friedman était membre du groupe « la société du Mont Pelerin dirigé par l’économiste autrichien Friedrich Von Hayek. Selon ce groupe, si l’État cessait de fournir des services et de réguler les marchés, l’économie se corrigerait d’elle-même. À cette époque, les idées de Keynes étaient populaires. Depuis trente ans, la tendance s’est inversée.

Pour y arriver, Friedman avait compris l’utilité des crises : « seule une crise réelle ou supposée produit un vrai changement. Lorsqu’elle se produit, les mesures prises dépendent des idées alors en vigueur. »

Premier test : le Chili et l’Argentine – Le choc de la guerre

Dans les années 50 et 60, les politiques progressistes mises en œuvre au Chili étaient un exemple pour leurs voisins. L’État investissait dans la santé, l’éducation, l’industrie. Les sociétés américaines commençaient à s’inquiéter pour leurs investissements. Le département d’État américain a alors réagi en finançant les étudiants chiliens et d’Amérique du Sud afin qu’ils puissent venir étudier l’économie de marché auprès de Milton Friedman. Ils retournaient ensuite dans leur pays où ils ont enseigné à leur tour les théories apprises. En 1970, le gouvernement socialiste de Salvator Allende remporte les élections avec un programme de nationalisation de larges secteurs de l’économie, dont des sociétés américaines. Nixon, alors président des États-Unis et la CIA, vont préparer un coup d’État militaire au Chili. Le 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet entre dans le palais présidentiel.

Cela faisait 41 ans que les Chiliens vivaient dans une démocratie. Les jours qui suivirent le coup d’État virent 13 000 opposants arrêtés et emprisonnés. Les Chicago Boys qui avaient édité un programme économique de 500 pages, « la brique », le remirent au dictateur Pinochet et celui-ci l’a appliqué : fin du contrôle des prix, privatisation des entreprises publiques, suppressions de taxe à l’importation et coupe budgétaire dans les dépenses publiques. Plus tard, Friedman reconnut l’importance de l’expérience chilienne. Ce fut un échec. En un an, l’inflation a explosé, la plus forte augmentation au monde. Le programme économique de Friedman bénéficiait aux plus riches au détriment des plus pauvres.

En 1976, Orlando Letelier, ministre des Affaires étrangères sous Allende, prisonnier sous Pinochet et exilé aux États-Unis, écrivait : « Ce plan économique a dû être imposé par la force. Et dans le contexte chilien, cela ne pouvait être obtenu que par l’assassinat de milliers de personnes, l’établissement de camps de concentration dans tout le pays et la détention de plus de 100 000 personnes en trois ans. » Il est tué moins d’un an plus tard dans un attentat à la bombe orchestré par un agent du régime de Pinochet et laissé libre d’entrer aux États-Unis par la CIA. Cette même année, Friedman reçoit le prix Nobel d’économie. Il affirmait toujours que son modèle économique apporterait la liberté. Pinochet est resté au pouvoir 17 ans.

Les adeptes de Friedman étaient réparties un peu partout en Amérique latine. Le 24 mars 1976, un putsch militaire, mené par le général Videla, renversa le gouvernement d’Isabelle Perón en Argentine. Les Chicago Boys ont pu accéder à des postes très importants au sein du gouvernement militaire. Un an après le coup d’État, les salaires avaient perdu 40 % de leur valeur, les usines fermaient, la pauvreté se multipliait. Comme au Chili, il a fallu terroriser la population pour lui faire accepter ces mesures économiques.

De nombreuses techniques utilisées par les militaires chiliens et argentins leur avaient été enseignées à l’école des Amériques, dirigée par les États-Unis : viol, déshabillage, torture avec des objets pointus, briser les extrémités, crever les yeux, marquer au fer. La junte argentine va aller jusqu’à tuer des femmes enceintes juste après leur accouchement et placer leurs bébés dans des familles vouées au régime afin de reconstruire la société toute entière. Videla a été reconnu coupable de meurtres, d’enlèvements et de tortures. Il fut condamné à la prison à perpétuité. Quant à Pinochet, il a arrêté lors d’une de ses visites à Londres. Thatcher lui a apporté tout son soutien.

L’école de Chicago et le monde anglophone

Devant ces échecs, Nixon a mené une politique keynésienne de contrôle des salaires et des prix. En 1979, Margaret Thatcher fut élue premier ministre. Son gourou intellectuel était Friedrich Von Hayek, ancien mentor de Friedman. Un an plus, Reagan arrive à la tête des États-Unis. Les deux pays étaient alors dirigés par des « Friedmaniens » sans état d’âme. Le programme de Thatcher à son arrivée tenait en quatre points : coupes budgétaires, baisse des impôts, désengagement de l’État dans les secteurs de l’industrie, et une politique monétaire stable et raisonnable pour faire baisser l’inflation. Après ses trois premières années au gouvernement, le chômage avait doublé dans certains secteurs de l’économie, déclenchant des vagues de grèves. Des émeutes ont éclaté dans les plus grandes villes du royaume. La cote de popularité de Thatcher avait chuté de 25 %.

Friedrich Von Hayek exhorta Thatcher à imiter la thérapie de choc économique de Pinochet. Elle répondit : « En Grande-Bretagne, vu nos institutions démocratiques et la nécessité d’un fort consensus, certaines des mesures imposées au Chili sont inacceptables. » Ce qui a sauvé Thatcher, ce fut une crise la guerre des îles Malouines envahies par l’Argentine en 1982. La guerre fut terminée en moins de trois mois et gagnée par l’Angleterre. À leur retour, les troupes sont accueillies par une vague de célébration patriotique. Cette victoire a permis à Thatcher de remporter les élections de 1983 à une écrasante majorité. Elle pouvait alors lancer une thérapie de choc économique semblable à celle de Pinochet au Chili.

Quand l’office national du charbon décide de fermer les puits, les mineurs ripostèrent par la grève. Ce fut la grève la plus dure et le plus coûteuse pour le pays depuis 1926 et durèrent presque un an. Thatcher remporte finalement la bataille. Forte de cette nouvelle victoire, elle a vendu l’industrie de l’acier, le service des eaux, les compagnies d’électricité de gaz, le téléphone, les compagnies aériennes, le pétrole, les HLM. En 1986, les services bancaires sont dérégulés. On parla de « big bang ». Avant Tatcher, un PDG gagnait dix fois plus qu’un ouvrier. En 2007, il gagnait plus de cent fois plus. Aux États-Unis avant Regan, un PDG gagnait 43 fois plus qu’un salarié moyen. En 2005, il gagnait plus de 400 fois plus.

Ces deux dirigeants ont été importants pour exporter le modèle de Friedman à travers le monde.

Derrière le rideau de fer

Thatcher qui a tout fait pour briser les syndicats dans sont pays est allé en Pologne soutenir le syndicat Solidarnosc qui se battait contre l’État soviétique. Les manifestations menées par Solidarnosc se sont propagées dans les autres pays du bloc de l’est. Habitués à réprimer les mouvements d’opposition démocratique, les dirigeants soviétiques ont cette fois laissé faire. Gorbatchev, à la tête de l’URSS, a laissé tomber les régimes communistes un à un, sans broncher. Il a imaginé un nouveau régime à la place du communisme, proche de la social-démocratie des pays scandinaves, c’est-à-dire à mi-chemin entre l’économie de marché capitaliste et le communisme.

Invité au G7 de 1991, il en attendait un soutien financier pour mener à bien ses lentes réformes économiques. Mais on lui répondit qu’à moins de se lancer dans une thérapie de choc radicale, il ne recevrait aucune aide. Le mois suivant, une tentative de coup d’État éclate à Moscou. Gorbatchev est alors arrêté par des partisans de la ligne dure du Parti communiste. Cette ultime escarmouche sera brève. Boris Eltsine assiégé dans le parlement russe, sort grandi de cet événement. En novembre 1991, L’Union soviétique fut officiellement dissoute. Le peuple était en état de choc. Eltsine avait désormais la haute main sur l’économie de la Fédération russe. L’économie de marché fit son apparition dans le pays et ce fut le chaos. Les entreprises publiques furent bradées à des prix ridiculement bas.

La thérapie de choc appliquée par Eltsine fut telle qu’en 1992, la consommation moyenne avait chuté de 40 % en un an. Un tiers des Russes vivaient sous le seuil de pauvreté et les salaires étaient versés avec des mois de retard. La corruption sévissait partout, le crime organisé explosa. Moscou était devenu le nouveau Far West. La majorité des Russes était majoritairement contre les changements radicaux préconisée par les Chicago Boys, surnom donné par la presse russe aux conseillés d’Eltsine.

En mars 1993, le Parlement abroge les pouvoirs spéciaux qu’il avait accordés à Eltsine. Celui-ci décréta l’état d’urgence, mais la cour constitutionnelle déclara sa décision illégale. Le 21 septembre, il fit dissoudre le parlement, soutenu par les nations occidentales. Deux jours plus tard, les parlementaires votaient la destitution Eltsine par 636 voix contre 2. Des milliers de partisans des parlementaires se rassemblèrent devant la maison Blanche — nom donné au Parlement russe — et marchèrent sur l’immeuble de la télévision. Eltsine interrompit ses vacances pour se rendre précipitamment à Moscou. Cette nuit-là, les troupes d’Eltsine reprirent l’initiative, et une centaine de manifestants furent tués. Le 4 octobre, Eltsine donna l’ordre d’attaquer la maison blanche.

Eltsine avait désormais le pouvoir absolu. Il privatisa ce qui restait des entreprises d’État en créant une nouvelle classe d’homme d’affaires milliardaires doté d’une énorme influence politique : les oligarques. En 1998, 80 % des fermes russes étaient en faillite et 70 000 usines d’État avaient fermé. En huit ans, le nombre de Russes vivant dans la pauvreté avait augmenté de 72 millions et pendant ce temps, Moscou est devenu la ville où il y avait le plus de milliardaires au monde.

La guerre contre le terrorisme

La guerre abstraite et ingagnable d’Afghanistan eut d’énormes retombées économiques. Avant 2001, la sécurité intérieure n’avait rien d’une industrie. Aujourd’hui, elle brasse plus d’argent que celle du cinéma et de la musique. Entre le 11 septembre 2001 et l’année 2006, le département de la sécurité intérieur a offert 130 milliards de dollars de contrat à des entreprises privées. C’est le « complexe du capitalisme du désastre ». Une nouvelle économie bâtie sur la peur.

La première phase de la guerre contre le terrorisme fut le bombardement de l’Afghanistan. Le gouvernement des taliban fut rapidement renversé, mais la gestion de l’après-guerre fut plus compliquée. C’est à Guantanamo que les techniques du Kubark furent explicitement et publiquement utilisées par des Forces américaines avec l’approbation officielle de la Maison Blanche. Sur les 779 prisonniers qui ont été détenus à Guantanamo, seulement trois ont été reconnus coupables d’un crime.

De nombreuses raisons furent avancées pour justifier l’invasion de l’Irak. Mais si les États-Unis avaient vraiment voulu attaquer un pays où se cachaient les chefs d’Al-Quaida, un pays qui possédait l’arme nucléaire et qui vendait cette technologie à d’autres pays, alors c’est le Pakistan qui aurait dû être visé. Ce pays entretenait des relations étroites avec les taliban et il était dirigé par un dictateur militaire. Mais Georges Bush choisit comme cible l’Irak, un pays qui possède la troisième plus grande réserve de pétrole au monde.

Pendant la première vague des bombardements massifs, les habitants de Bagdad subirent une version de la privation sensorielle décrite dans le Kubark. Dans le chaos qui a suivi les bombardements, les États-Unis n’ont rien fait pour arrêter les pillages. Certains responsables américains pensaient même que ça leur faciliterait la tâche pour démanteler l’État irakien. John Agresto, un chargé de la reconstruction des universités, déclara qu’il voyait le pillage des écoles comme un moyen de repartir à zéro. En réalité, avant les sanctions, l’Irak avait le meilleur système éducatif de la région. 89 % des Irakiens étaient alphabétisés. Par comparaison au Nouveau-Mexique, d’où venait John Agresto, 46 % de la population était techniquement illettrée.

En Irak, il y a eu trois chocs : celui de la guerre, immédiatement suivie de la thérapie de choc économique imposé par Paul Bremer, administrateur américain en Irak, et le choc de la répression et de la torture. En 2006, deux semaines après son arrivée, Bremer déclare que le pays est ouvert aux affaires. Il passa les premiers mois à signer des décrets tout droit sortis de l’école de Chicago. L’une de ses premières décisions fut de licencier 500 000 fonctionnaires. L’argent des aides promis est allé dans les poches des entreprises américaines. Parson reçu 186 millions de dollars pour construire 142 cliniques. On en construisit seulement six. La fourniture d’eau et d’électricité ne s’améliorera pas malgré les milliards dépensés dans les premières années. Même la nouvelle monnaie irakienne était imprimée à l’étranger.

Les Irakiens ont manifesté pour avoir des élections libres, mais avec le temps et l’inefficacité de leurs actions, certains sont entrés en résistance. La violence devient alors le lot quotidien. Comme en Amérique du Sud 30 ans plus tôt, les militaires étasuniens déposaient les corps au bord des routes afin d’intimider les opposants. Il fallut prendre des mesures extrêmement violentes pour éliminer l’opposition. Pendant les trois premières années de l’occupation, 61 500 Irakiens furent arrêtés. Au printemps 2007, 19 000 étaient encore emprisonnés. En prison, ils subirent des interrogatoires basés sur les expériences du docteur Ewen Cameron. Selon la Croix rouge, les autorités américaines reconnurent qu’entre 70 et 90 % des arrestations en Irak étaient arbitraires. Le chaos irakien ressemble à un échec pour la thérapie de choc. Mais le capitalisme du désastre n’allait pas s’arrêter là pur autant.

Le désastre lui-même présentait une bonne occasion de s’enrichir. Les dépenses militaires américaines ont pratiquement doublé depuis 2001. Elle frôle maintenant les 700 milliards de dollars par an. Déjà en 1961, Eisenhower soulignait la dangerosité d’un appareil militaire trop puissant. Il n’y a jamais eu dans l’histoire récente de guerre aussi privatisée que celle en Irak. La zone verte de Bagdad est une version extrême de ce qui se passe ailleurs sur la planète. On a là un monde privatisé qui vit protégé du chaos extérieur. En 1991, pendant la 1re guerre du Golf, on comptait 100 soldats pour 1 contractuel privé. En 2003, au début de la guerre en Irak, pour 100 soldats ont comptait 10 contractuels. En 2006, pour 100 soldats, il y avait 33 contractuels. Un an plus tard, il y en avait 70. En juillet 2007, il y avait plus de contractuels que de soldats réguliers.

L’une des plus importantes sociétés privées était l’Américaine Black Waters. En avril 2004, pendant le soulèvement de Najaf, elle a pris le commandement des opérations malgré la présence des marines. Des dizaines d’Irakiens furent tués lors des combats. Les États-Unis avec garantie aux mercenaires qu’aucune loi irakienne ne s’appliquerait contre eux. À l’époque de l’exécution de Sadam Hussein, en 2006, un millier d’Irakiens étaient assassinés chaque semaine. En avril 2007, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estimait à quatre millions le nombre de personnes qui avaient dû quitter leur maison. Des centaines de milliers d’Irakiens étaient morts.

Un monde en zones vertes et en zones rouge

Quand l’ouragan Katrina frappa la Nouvelle-Orléans en août 2005, le monde découvrit avec stupéfaction une sorte d’apartheid du désastre. Les habitants les plus fortunés quittèrent la ville, tandis que des dizaines de milliers de gens vulnérables restaient coincés, sans quasiment recevoir aucun secours de l’État. Milton Friedman est mort en 2006. Son ultime recommandation en matière de politique de public trois mois après Katrina était : « les écoles de la Nouvelle-Orléans sont en ruine, comme les maisons de leurs élèves. Ils sont maintenant dans tout le pays. C’est une tragédie, mais aussi l’occasion de réformer le système d’éducation. » On peut observer le même phénomène au Sri Lanka après le tsunami de 2004. On empêche les pêcheurs de revenir vivre sur leurs plages pour vendre les terrains à des hôtels de luxe.

Le premier acte de résistance consisterait peut-être à refuser qu’on efface notre mémoire collective. Il a fallu trente ans pour que l’expérience économique inaugurée par Pinochet se fraye un chemin de l’autre côté du globe, jusqu’en Irak. Mais les similitudes entre passé et présent sont saisissantes entre les camps de concentration de Pinochet et la prison de Guantánamo de Bush, entre les disparus du Chili et ceux d’Irak, entre les expériences d’Erwen Camron et les tortures infligées aux prisonniers d’Abou Ghraib.

La fin d’une ère

Par nature, les marchés dérégulés sont volatiles. On laisse enfler des bulles financières qui inévitablement explosent. Depuis la dérégulation et le big bang des années 80, il y a eu plusieurs krachs boursiers. En 1987, il y a eu le lundi noir. Les marchés dégringolèrent. Ce fut la plus forte chute du marché de l’histoire sur une seule journée. En 1992, il y a eu le mercredi noir, le jour où les spéculateurs firent fortune en misant contre la livre sterling. En 1997, la contagion atteignait l’Asie. En un an, 600 milliards de dollars disparurent en fumée sur les places boursières. Et finalement en septembre 2008, les marchés financiers implosèrent. Le 14 septembre, Lehman Brothers se déclarait officiellement en faillite et pourtant, une semaine plus tard, on apprenait que ses traders de New York allaient se partager 2,5 milliards de bonus. On estime que les firmes de Wall Street ont versé 18,4 milliards de bonus en 2008. Aux États-Unis c’est la crise financière qui a assuré la victoire d’Obama. Les Américains voulaient changer de cap…

« Cette crise est perçue par presque tout le monde comme la conséquence directe de cette idéologie de la dérégulation et de la privatisation. » Naomi Klein.

« On assiste à un transfert de richesse du secteur public, du gouvernement récolté auprès des gens ordinaires via les impôts vers les sociétés et les individus les plus riches du monde. Ceux-là mêmes qui sont à l’origine de la crise. » Naomi Klein.

« Voilà en quoi consiste la stratégie du choc. Des raids systématiques contrent la sphère publique au lendemain de cataclysmes. Quand les gens sont trop focalisés sur l’urgence, sur leur survie pour protéger leurs intérêts. » Naomi Klein.

« S’il faut garder en mémoire l’histoire des luttes, c’est pour une chose primordiale, une chose dont il faut se rappeler quand tant est en jeu. Elle nous apprend que si nous voulons des réponses, à cette crise économique, pour un monde plus sain, plus juste, plus pacifique, il va falloir descendre dans la rue et les obliger à le faire. » Naomi Klein.

Voir le documentaire en intégralité :

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