Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et bon nombre de
pays européens ont connu une période dorée avec des salaires et une
croissance en augmentation. Mais à la fin des années 70, la croissance
peine, les crises financières se succèdent et les salaires
stagnent. Pour remédier à ce problème, la concurrence va s'ouvrir à
l'internationale. Des pays comme la Chine vont venir concurrencer
les entreprises européennes nord-américaines avec un énorme avantage
: une masse salariale peu couteuse. Le capital va peu à peu prendre
les commandes au détriment du pouvoir régalien. Le PIB des pays du
nord va progresser, en revanche les salaires se maintiendront ou
baisseront. Les années 80 vont alors voir le recours massif aux
crédits. C'est la financiarisation, c'est-à-dire le recourt à
l'endettement des ménages, des entreprises, des pays, des
collectivités territoriales et des instances internationales.
De nouvelles crises vont apparaitre, mais elles ne toucheront pas
l'ensemble du globe en même temps comme celle de 2008. Lors de cette
dernière, les États ont injecté l'argent du contribuable dans les
banques privées pour les sauver. La crise financière est alors devenue
budgétaire. L'argent dilapidé aux banques n'était pas utilisé pour
les besoins des populations. Pire, ces mêmes banques, dont certaines
sauvées in extrémis, ont misé sur les faillites les États qui les
ont aidées, elles ou leurs consoeurs. Cette crise va frapper
davantage la Grèce que d'autres pays.
La zone euro, fonctionne différemment que les États-Unis en matière
de politique monétaire. Le gouvernement fédéral étatsunien et la
Réserve fédérale des États-Unis (équivalent de la Banque Centrale
Européenne pour les États-Unis) interviennent sur le court du dollar
pour limiter les inégalités entre États, tandis que la BCE aggrave la
situation en faisant preuve d'immobilisme, engendrant l'apparition
du terme PIIGS (porcs en anglais) dans les colonnes des journaux
britanniques et étatsuniens pour critiquer les pays de la zone euro en
difficultés : Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne.
Pourtant, les problèmes de ces pays ne viennent ni de la paresse de
leurs populations, ni uniquement les mauvaises gestions de leurs
gouvernements. Ils viennent surtout de la structure même de la zone
monétaire. L'Allemagne est le plus grand bénéficiaire de la monnaie
unique. Depuis l'arrivée de l'Euro, les économies les plus faibles ont
baissé en compétitivité, sauf le géant allemand. Pourquoi ? Tout
simplement parce que ces dix dernières années les salaires allemands
sont gelés. Ils n'ont augmenté que de 7 % alors que dans le reste de
la zone euro ils ont augmenté de 27 %.
C'est durant la guerre d'indépendance (1821-1830) que la Grèce
commence à emprunter, jusqu'à aujourd'hui. Seulement durant
l'Occupation, l'Allemagne l'oblige à prêter de l'argent. À partir des
années 80, la dette s'envole à cause des différentes réformes
fiscales des gouvernements successifs : nationalisations des
compagnies privées en déroute, signature du Traité de Maastricht
qui interdit tout autre moyen de création monétaire que le marché,
baisse de 10 % de l'impôt sur le capital...
En 1824, l'Argentine emprunte à l'Angleterre. Plus tard, le pays
aligne sa monnaie sur le cours du dollar ce qui l'empêche de mettre en
place une politique monétaire appropriée, comme c'est le cas pour
les pays de la zone euro. Endetté, le gouvernement demande de l'aide
au FMI qui va utiliser l'Argentine comme laboratoire du
néo-libéralisme : privatisation massive, dérégulation. Les profits
des entreprises vont augmenter, mais l'économie du pays sera détruite :
taux de chômage de 20 %, 40 % de la population sous le seuil de
pauvreté, réapparition de la famine... En décembre2001, après les
révoltes du peuple argentin, le président devra s'enfuir en
hélicoptère.
Le FMI intervient pour protéger les institutions financières et les
entreprises. Il met en place des mesures pour éviter le défaut du
paiement d'un pays, sans pour autant empêcher l'augmentation de la
dette. Ce qu'a reçu la Grèce de la part du FMI et de l'Union
européenne va directement aux banques.
Un an après les différents "plans d'ajustements", Athènes est proche
d'une situation de crise humanitaire : pauvreté, fermeture, chômage,
SDF, gens affamés, sans médecins ni médicaments. Les mesures ont
dégradé le niveau de vie des citoyens. Dans les cas où le FMI est venu
imposer sa politique néo-libérale, le niveau de vie de la
population a diminué. Pendant ce temps, le gouvernement fantoche
grec réagit, aux protestations du peuple aux mesures libérales qu'on
lui impose, en interdisant le port de cagoule ou en procédant à des
arrestations arbitraires.
Cette histoire commence dans les années 1920 avec Alexandre Sac,
ministre du Tsar et spécialiste de droit. Après la révolution de 1917,
Sack se retrouve à donner des cours dans les universités
Européennes et des USA. En 1927 il présente une trouvaille
lumineuse : la notion de Dette Odieuse.
Pour définir une Dette Odieuse, il faut réunir trois conditions :
1) La dette a été contractée par les dirigeants sans l’agrément ni l’approbation des citoyens.
2) Les fonds empruntés sont investis dans des biens qui n’ont pas profité aux citoyens ou au pays.
3) Le prêteur était parfaitement informé de ces faits mais sifflotait en toute indifférence.
La proposition de Sack est perçue comme progressiste voire
révolutionnaire. Dans la réalité ils servaient à cette époque les
intérêts d’une grande puissance en construction : les USA. Les USA
avaient créé un antécédent à la théorie de la Dette Odieuse en 1898,
époque où, victorieux de la guerre Hispano-Américaine, ils prennent
le contrôle de Cuba. Le problème est qu’en prenant Cuba ils ont
également acquis la dette laissé derrière lui par le colon espagnol.
La colonisation espagnole ayant duré 400 ans depuis que Colomb
avait posé le pied en Amérique, la dette était assez considérable. Les
USA décident que la dette de Cuba répond aux critères de la Dette
Odieuse et refusent de la rembourser. Une semblable histoire s’est
produite au Mexique quelques années avant. Quand l’armée démocratique
détrône l’empereur Maximilien, les révolutionnaires décident que les
dettes contractée par le souverain étaient Odieuses.
Maximilien avait emprunté des sommes considérables pour combattre
les forces de l’opposition. Comme il devait beaucoup, tant envers ses
prêteurs qu’envers le peuple mexicain, on l’a mis à dix pas et on
l’a fusillé.
La plupart des exemples de Dette Odieuse du XIXe et XXe siècle
concerne des pays d’Amérique du Sud. En réalité, derrière toutes ces
cessations de payement, on retrouve une puissance unique : les USA.
C’est cette puissance qui introduira aussi la Dette odieuse dans
l’histoire du XXIe siècle. Décembre 2002. La maison blanche met la
touche finale aux préparatif d’invasion et d’occupation de l’Irak.
Avant même que les armes ne parlent, les officiels préparent le jour
suivant la chute de Saddam Hussein. Le département d’état sait qu’il
devra gérer l’immense dette souveraine de l’Irak. C’est pourquoi il
lui faut démontrer qu’elle constitue une Dette Odieuse. Il réunit
donc une équipe de travail secrète qui organise l’avènement de
l’équipe gouvernementale qui dès sa prise de pouvoir décrétera que
le peuple Irakien ne doit pas rembourser la dette national. Tout est
prêt pour l’attaque.
Eric Toussaint, président du CADTM (en français dans le texte) : "Rappelez
vous, en 2003 les Etats Unis avec leurs alliés envahissent l’Irak,
c’est en mars 2003, et 3 semaines plus tard, le secrétaire au trésor
des Etats Unis, convoque ses collègues du G8 a Washington et leur dit
« la dette de Saddam Hussein est une Dette Odieuse. Son régime est
un régime dictatorial, nous devons renoncer à récupérer cette Dette
Odieuse, le nouveau régime qui va venir en Irak doit étre libéré du
poids de cette dette. George W Bush demandera à James Baker de
persuader la communauté internationale que la dette de Saddam Hussein
est Odieuse et que le dictateur gaspillait les sommes qui lui
étaient prêtées en palais et en armes. Les expert ont établit que
l’Irak devait des milliards de $ à la France et à la Russie, en
achat de missiles exocets, mirages F1 et Migs. Dans la réalité, le
comportement de Saddam Hussein ne différait guère de celui des
autres dirigeants. Les palais sont pour les peuples arabes
l’équivalant des jeux olympique : des démonstrations de puissance
économique et d’organisation sociale. La diplomatie américaine finira
par imposer que la dette de l’Irak et Odieuse et que le peuple
Irakien ne doit pas la rembourser. Mais Washington se rend compte
alors qu’elle ouvre l’outre d’Eole (donnée à Ulysse et contenant les
vents selon l’Odyssée) et décide de cacher l’affaire sous le tapis.
Finalement les autres pays ont dit « Ok on supprime 80% de la
dette Irakienne, au sein du Club de Paris », mais ils ont dit
« n’utilisez pas officiellement la notion de Dette Odieuse » car si on
l’utilise d’autres pays vont faire appel à la jurisprudence, par
exemple le Congo va dire « la dette de Mubutu il ne faut pas la
rembourser », les Philippines vont dire, « La dette du dictateur
Marcos on veux pas la rembourser », l’Afrique du sud (…) donc pour
éviter une extension de la notion de Dette Odieuse dans les années 2000
on a pris une solution Ad hoc qui concerne l’Irak. Mais pour nous,
c’est clairement la démonstration que la doctrine de la Dette Odieuse
s’applique. Les USA continueront à aider l’Irak à se débarrasser de
ses anciennes dettes mais personne à Washington ne veux plus
entendre les mots « Dette Odieuse ». Ainsi l’Irak est parvenue à
annuler une grandes partie des dettes souscrites par la dictature.
Un autre pays a choisi de se confronter au FMI et de faire face à ses
grands débiteurs par ses propres moyens. Il est parvenu à démontrer
que sa dette est non seulement Odieuse mais aussi illégale et
anticonstitutionnel."
Raphael Correa, Président de l’Equateur : « Nous
mettons nos priorités nationales au dessus des intérêts
internationaux. Quand l’heure viendra, si nous pouvons le faire, nous
nous occuperons des intérêts internationaux mais la priorité d’abord
à la vie et ensuite seulement à la dette. »
L’Equateur pourrait être un des pays les plus riches de l’Amérique
Latine. Mais à partir du moment où il a découvert du pétrole, le
pays n’a connu que les dictatures, la pauvreté, la dette, et les
tueurs économiques.
John Perkins, tueur économique :« Mon vrai job
consistait à faire souscrire des prêts à des pays étrangers, des
prêts considérables, bien au-delà de ce qu’il leur était possible de
rembourser. Par exemple, un milliard de $ à l’Indonésie ou
l’Equateur, et ce pays aura à redonner 90% du prêt à des entreprises
US en contrats publics d’infrastructure. Des sociétés comme
Halliburton ou Bechtel, qui construisent des infrastructures
électriques ou des ports, ou des autoroutes, et cela ne sert que les
quelques familles les plus riches du pays. Les pauvres héritent
juste de l’énorme dette qu’ils ne peuvent pas rembourser. »
En 1982, le FMI arrive en Equateur et un groupe d’expert
représentant les créanciers du pays. L’Equateur s’engage à emprunter
d’avantage pour régler ses dettes antérieures.
Hugo Arias, président de la cours des comptes de l’Equateur : "C’était
simplement un tribu permanent que l’Equateur devait payer aux pays
du nord. Pour prendre un exemple, de la décennies 80 jusqu’en 2005,
les intérêts de la dette ont représenté 50% du budget de l’état,
atteignant 3 à 4 milliards de $ annuels alors que les dépenses de santé
n’en représentait que 4%. 4 milliards pour les intérêts de la dette,
400 millions seulement pour la santé ! 800 millions pour
l’éducation. Nous tuions notre propre population."
L’Equateur s’est révolté. La crise semblait sous contrôle quand
Lucio Gutierres a pris les choses en main et promet des réformes. Il
se présente presque comme socialiste. Mais une fois aux affaires, il
passe de nouveaux engagement auprès du FMI et impose une extrême
rigueur.
Les citoyens décident qu’il doit partir, par le même moyen que les
présidents Argentins : par hélicoptère. Le vice président Palacio,
qui prend la succession, commence avec de bonnes intentions, mais se
soumet bientôt à Washington. Le peuple se tourne alors vers le seul
responsable à s’être opposé aux USA : Raphael Correa.
Corea a étudié l’économie en Europe est aux USA et sait comme on
peut faire face au FMI et à la Banque Mondiale quand on a la volonté
politique de le faire.
En 2005, quand il était ministre des finances, Raphael Correa a dit « ce
n’est pas normal que le supplément de revenu pétrolier qui arrive
dans les caisses du pays reparte intégralement au remboursement de la
dette. C’est injuste pour la population. 80% des revenus pétroliers
doivent être destinés à améliorer les dépenses sociales dans
l’éducation, la santé, la création d’emplois. Seuls 20% doit aller
dans le remboursement de la dette". La Banque Mondiale a dit
qu’il n’était pas question qu’elle continue à prêter de l’argent à
l’Equateur s’il maintient une telle loi. C’était clairement une
immixtion de la Banque Mondiale dans les affaires intérieures de
l’Equateur, ce que Raphael Correa a refusé. Il a préféré démissionner
plutôt que de plier devant la BM. Ca l’a rendu extrêmement
populaire. Il a préféré sa dignité à son poste.
Correa finit par devenir président de l’Equateur en 2006. L’une de
ses premières décisions fut de limoger le représentant de la Banque
Centrale, d’en chasser les représentant du FMI. Parmi eux, Bob Thra,
qui viendra ensuite sévir en Grèce, s’était fait particulièrement
détester par la population. Six mois plus tard, Corea fit un pas de
plus en établissant une commission de contrôle internationale.
Eric Toussaint, président du CADTM : "J’ai
fait partie des personnes désignées par le président Correa pour faire
partie de cette commission, il y a avait 18 membres et 4 organes de
l’état. Nous étions chargé d’auditer tous les contrats qui avaient
entrainé l’endettement du pays entre 1976 et 2006. Nous avons
travaillé 14 mois, nous avons analysé la dette sous forme de bons, les
dettes à l’égard du FMI, de la BM et d’autres organismes
internationaux et les dettes à l’égard d’autres pays, France, Japon,
Allemagne et enfin les dettes publiques intérieures de l’Equateur. La
bataille pour accéder aux documents fut terrible. Au ministère des
fiances, un de nos collaborateur, Alexandro Olmos et moi même avons
été déclarés persona non grata. Les services du ministère des
finances ont envoyé au ministre des lettres de plainte disant que
Alexandro et moi-même avions fait du mal aux employés du ministère.
Ca nous a fait rire, mais nous avons compris à quel point ce serait
difficile quand nous avons été désigné comme les méchants de
l’affaire. »
En dépit des difficulté la commission a mené à bien sa mission et a
constaté qu’une grande part des dettes étaient sous-évaluée. L’état
a communiqué ces résultats aux citoyens.
Eric Toussaint, président du CADTM : « En fait
ce qui était important au niveau de la commission d’audit des
finances de l’Equateur, c’est que tous nos travaux ont été rendus
publics. Donc la population Equatorienne a été informé de pourquoi la
dette qui avait été contractée par le gouvernement antérieur au
cours notamment de l’année 2000 était frappée d’illégitimité. »
Possédant les résultats de la commission, le gouvernement démontra
que la dette était infondée et a bloqué 70% de son remboursement.
Hugo Arias : « Les créanciers se mirent à
solder leurs parts de la dette à 20% de leur valeur et le gouvernement
les a secrètement racheté. Avec 800 millions de $ elle a racheté
les 3 milliards de la dette. Ce fut une réduction très significative
qui a permis de changer les conditions de vie du peuple. »
Eric Toussaint : « Il faut aussi compter dans
l’économie faite par l’Equateur les intérêts qu’il aurait fallu
payer jusqu’en 2012 ou 2030. Et si on prend tout en compte c’était
une économie de plus de 7 mille millions de dollars pour l’équateur,
donc une économie très importante pour le pays, qui a permis au
gouvernement d’augmenter de façon très importante les dépenses
d’éducations, de santé, de création d’emploi et l’amélioration
d’infrastructures. »
En Grèce, les historiens, les économistes et les analystes
débattent quotidiennement de la façon avec laquelle nous allons faire
face à la dette. Il reste cependant une question que peu se posent.
Le peuple grec est-il véritablement redevable de tout ce qu’on lui
demande de rembourser ?
Eric Toussaint : « La dette plus récente de la
Grèce, je dirais que c’est une dette frappée d’illégalité et
d’illégitimité. Alors quels sont les signes de ça ? Et bien, quand les
autorités d’un pays reçoivent des pots-de-vin de la part de
sociétés transnationales, et c’est le cas de Siemens, qui, avec sa
filiale Siemens Hellas, a distribué de l’argent, des pots-de-vin, à
des responsables, à des ministres, à des hautes fonctionnaires, depuis
plus de 10 ans, pour gagner des contrats, là on peut dire qu’il y a
une marque d’illégalité et d’illégitimité. Et que ces dettes là
doivent être remises en cause, c’est absolument évident pour moi. »
La justice grecque s’est montrée timorée dans l’affaire Siemens et
très lente dans d’autres cas de transactions passées dans le dos du
peuple grec et qui ont augmenté le poids de la dette qui repose sur
ses épaules. Avec les transactions de swaps effectuées en 2001, le
gouvernement a hypothéqué l’avenir afin de maquiller le présent avec
un bien meilleur bilan factice. Elle a fait artificiellement baisser
la dette du pays en convertissant un prêt en Yen en Euro et en se
basant sur un taux de change passé. Pour aider à faire cette cuisine,
c’est Goldman Sachs qui a mis la main à la pate, empochant au passage
des millions dans ce deal.
Mark Kirk, Sénateur US : « Je suis
particulièrement concerné par le rôle joué par les institutions
financières US, en particulier Goldman Sacks, qui, quand la Grèce
s’est trouvé droguée au crédits, Goldman a joué le rôle du dealer de
Crack. »
L’astuce a fait illusion pendant de nombreuses années, et les
élites politiques grecques ont montré qu’elles savaient récompenser
leurs partenaires. Ils reprirent de nouveau Goldman Sacks comme
conseillers en laissant l’ardoise aux citoyens.
Jean Quatremer, journaliste à Liberation : « La Goldman Sack a conseillé le gouvernement grec d’une main et de l’autre main attaquait le gouvernement grec. »
Le scandale est découvert en 2010. Quelques jours avant, un ancien
employé de Goldman Sacks avait été nommé à la tête de l’organisme de
gestion de la dette nationale grecque.
Jean Quatremer : « Embaucher quelqu’un qui a
été chez Goldman Sacks, c’est comme embaucher un criminel pour
surveiller votre maison… Quelqu’un qui est un braqueur de banque, vous
l’embauchez pour surveiller votre maison. Là c’est la même chose.
Effectivement il connaît bien les opérateurs et sait comment empêcher
quelqu’un d’entrer dans votre maison, mais objectivement, le risque
est bien plus grand qu’un jour il profite de votre absence pour tout
piquer. Qu’est-ce qui me garantit que ce personnage qui est passé
chez Goldman Sacks va gérer de façon optimale les affaires
grecques ? »
Un bon nombre de pays critiquent la Grèce pour ses errements avec
Goldman Sacks, mais ce sont les mêmes qui utilisent leurs relations
avec le gouvernement grec pour fourguer leur armes et systèmes de
défense au pays.
Zara Vangenkecht, porte parole de Die Linke : « Quand
l’Allemagne s’est rendue compte de la position de la Grèce, il y a
un an de cela, le mot d’ordre a été de ne pas arrêter les
exportation d’armements allemands. La Grèce devait économiser sur
les retraites, et les services publiques mais pas sur l’armement.
Cela montre l’implication de certains intérêts. Le gouvernement
allemand se comporte comme le protecteur des fabricants d’armes
allemands et de l’industrie de l’exportation. Ils veulent que les
exportation continuent en dépit de la crise. »
Daniel Cohn Bendit (Eurodéputé vert) :« On est
quand même hypocrites ! Ces derniers mois la France a vendu 6
frégates à la Grèce pour 2 milliards et demie d’Euros, des
Hélicoptères pour plus de 400 millions, des Rafales à 100 millions
l’unité. Mon « espionnage » ne m’a pas permis de dire si c’est 10 ou
20 ou 30 Rafales. Ca fait presque 3 milliards ! L’Allemagne a vendu 6
sous-marins, pour 1 milliard dans les prochaines années. Mais on est
complètement hypocrites ! On leur donne de l’argent pour acheter nos
armes ! »
Face à l’hypocrisie européenne, des reculades coupables complètent
les décisions criminelles. Toujours au prétexte du bien de la
nation, cette nouvelle Grande Idée (nom d’un projet nationaliste
avorté) a laissé derrière elle des friches immobilières en ruine et
des dettes immenses.
George Voulgarakis, ministre des finances : « Nous
avons dépensé des sommes considérables, le double de ce qui a été
dépensé à Sydney. Le cout final ne sera connu qu’a la fin des jeux
Olympiques. »
C-STAN TV : « Vous avez parlé de 1,2 milliard de $ pour la sécurité. D’où vient tout cet argent ? »
George Voulgarakis : « Nous avions cet argent. »
C-STAN TV :« C’est de l’argent grec ou ce sont des fonds provenant du comité olympique ou bien encore des USA ? »
George Voulgarakis : « Nous parlons d’argent Grec. Sans doute est-ce plus que ce que nous pouvons fournir mais il ne s’agit que de sécurité."
Eric Toussaint : « On a fait des dépenses
somptueuses, tout à fait exagérées, payées par la population grecque,
parce que pour rembourser les dettes contractés pour réaliser ses
jeux olympiques, on utilise une grande partie des impôts payés par
les citoyens grecs. Il est tout à fait normal que les citoyens grecs
demande qu’on fasse une analyse très claire de pourquoi le budget
des jeux olympiques a explosé et à quoi les dépenses ont servies. »
Les JO et les rapports avec les entreprises comme Siemens et
Goldman Sacks ne représentent que la partie émergée de l’iceberg de
dettes qui reposent sur les citoyens. Il existe cependant des
malversations bien plus importantes qui ne concernent pas seulement la
Grèce, mais tous les pays de la périphérie de l’Europe.
Constantin Lapavitsas professeur d’économie : « Toutes
les règles ont elle été respectées dans les procédures aboutissant à
la monétisation de la dette souveraine grecque ? Y a-t-il des
conflits d’intérêt dans le rôle joué par les banques dans la vente
tant sur le premier que le second marché des bons de la dette
grecque ? Qui sont ces banques ? Comment et selon quelles conditions
ont elles été impliquées dans ces transactions ? »
Zara Vangenkecht, porte parole de Die Linke : Une
part importante des dettes souveraines de la zone Euro est
monétisée. Et cela résulte d’une politique menée à l’encontre de
l’intérêts des peuples. C’est pour financer cela que les citoyens
payent. »
L’exemple de l’Equateur nous a montré que les circonstances
illégales dans lesquelles la dette a été générée peuvent être
dévoilées par une commission d’enquête d’économistes.
« Pourquoi ne nous dit-on pas clairement de quoi est constitué
cette dette ? Quel est son montant ? Et comment a-t-elle été
générée ? Et auprès de qui nous sommes endettés ? C’est pour
répondre à ces questions qu’il est urgent et impératif de créer une
commission aux comptes chargée de cerner précisément la nature de
cette dette. C’est pourquoi je dis que nous ne pouvons nous
contenter des mensonges des banques, du gouvernement ou des perroquets
qui sont payés pour répéter ces discours creux. »
Mais qui va créer cette commission de contrôle ? Et comment nous
assurer qu’il ne s’agira pas encore d’une énième commission
parlementaire constituée des mêmes personnes qui ont généré la
situation actuelle ?
Constantin Lapavitsas : " Ca ne peut pas
s’agir une simple commission d’experts. Car si il ne s’agit que d’une
commission d’experts nommés par le gouvernement, même il fait venir
des experts étrangers, même si il y a des représentants de la
société civile, il y a le danger qu’ils soient orientés. »
Hugo Arias : « Il n’y a que le peuple qui soit
légitime pour demander une commission des comptes. C’est pourquoi
il est primordial de sensibiliser tout le peuple pour qu’il se
mobilise afin de demander cet audit. »
Eric Toussaint : « Dans la situation grecque,
effectivement, comme le parti de la Nouvelle Démocratie (droite) ou
le Pasok (socialiste) ont bénéficiés eux-mêmes d’avantages en
endettant le pays depuis une quinzaine d’années, il est certain que
ces partis voient très mal de faire un audit car leur responsabilité
va être démontrée aux yeux du public. Donc ce qu’il doit se passer
c’est que l’opinion publique grecque doit se mobiliser, des
organisation doivent aussi se mobiliser, des syndicats, la
magistrature grecque, des intellectuels, des artistes… Les gens
doivent faire connaître leur avis et faire monter la pression sur le
pouvoir politique. »
Depuis mars, une équipe de personnes d’horizons politiques et
professionnels variés, a lancé une initiative pour la création d’une
commission d’enquête chargée d’auditer la dette grecque.
Des professeurs, des journalistes, des artistes ou des syndicaliste
du monde entier ont soutenu cette initiative. La commission devra
dire quelle part de la dette est illégitime et illégale et établira,
en se basant sur le droit grec et international, que le peuple grec
n’est pas obligé de rembourser cette part de la dette.
Cependant la décision demeure dans les mains des politiques et no
des économistes. Quand bien même la dette serait légitime, aucun
gouvernement na le droit d’assassiner sa population pour servir les
intérêts des créanciers.
Constantin Lapavitsas : « Même si il était
démontré que l’intégralité des 350 milliards d’Euros de la dette
souveraine grecque étaient légitimes, ce qui ne sera pas le cas, la
Grèce ne pourrait de toute façons pas l’honorer. Il faudra donc
l’effacer. Si le poids de la dette impose le démantèlement des
hôpitaux, de l’éducation, des routes, dans ce cas c’est le cout social
qui deviendra insupportable. En substance, le gouvernement dit qu’il
va se mettre en défaut de payement vis-à-vis des citoyens grecs. Je
ne comprends pas comment un gouvernement socialiste, élu
démocratiquement, peut décider de faire défaut à ses citoyens plutôt
qu’aux institutions financières. Il n’y a pas d’autre choix, dans les
décennies qui viennent, que de ne pas honorer la dette car elle est
basée sur le néolibéralisme. Et le comportement néolibéral était un
crime contre l’humanité. Personne n’a l’obligation de payer cette
dette, parce que cette dette a été accumulée à travers un
fonctionnement vicieux du marché. »
Constantin Lapavitsas : « Il est odieux de payer une Dette Odieuse. »
La création d’une commission d’enquête économique n’est pas une
finalité. Ce n’est qu’une arme politique dans une bataille plus vaste
d’une guerre où s’affrontent depuis des siècles des forces
antagonistes pour la maitrise du système. Même si nous effaçons cette
dette, la dette renaitra de ses centres.
Constantin Lapavitsas : « Ce sera une arme dans une confrontation idéologique et politique. La dette est une arme également. »
Eric Toussaint : « N’ayez surtout pas peur, en
tant que Grecs de revendiquer vos droits dans l’UE, par rapport au
gouvernement grec. C’est fondamental, c’est en se battant qu’on fait
respecter ses droits. C’est pas en se soumettant au diktat des
créanciers. Regardez la Tunisie, regardez l’Egypte. C’est quand une
population se met en action qu’elle peur réellement changer une
situation. »
La Grèce n'est qu'une étape. La Troïka (Commission européenne, FMI et
BCE) est prête à s'attaquer à d'autres pays de la zone euro et les
autres membres du PIIGS sont dans le viseur. Heureusement, des
protestations apparaissent contre les mesures d'austérité : en Grèce,
en Espagne (les indignés), en France (lors des retraites) et même en
Angleterre. Le reportage évoque en Grèce une commission constituée
de citoyens qui vont étudier le cas de la dette grecque et statuer
sur ce qui est légitime à payer ou pas. La situation n'est pas
désespérée et des solutions alternatives existent, mais les
institutions néo-libérales resteront-elles sans réagir face à leurs
contradicteurs ?