«
C’est un fils de pute, mais c’est notre fils de pute » est une citation de Roosevelt, à propos du dictateur nicaraguayen Samoza, ami des États-Unis . Aujourd’hui, Obama pourrait dire la même chose des dirigeants colombiens.
En octobre 2010, la Colombie a obtenu le statut de membre non permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Son mandat prend effet en 2011 et 2012. Cette nomination récompense les pays respectant les Droits l’Homme et oeuvrant pour la paix dans le monde. La Colombie va pouvoir dorénavant s’enorgueillir de son nouveau statut qui n’est dû qu’à ses bonnes relations avec les États-Unis.
En effet, un accord a été signé le 17 août 2010 avec le pays de l’Oncle Sam pour que celui-ci puisse utiliser sept bases militaires colombiennes. Plus tard, la Cour constitutionnelle de Colombie l’a jugé anticonstitutionnel, cependant cette affaire illustre la bonne entente entre ces deux pays.
Depuis le 7 août 2010, Juan Manuel Santos est le président de la République de Colombie. En 2004, il quitte le parti libéral pour le Parti social d’unité nationale, celui de son prédécesseur Álvaro Uribe. En 2006, il devient ministre de la Défense du gouvernement d’Uribe jusqu’en mai 2009 où il présente sa candidature aux élections présidentielles de 2010. Uribé avait auparavant proposé par référendum la possibilité qu’il puisse briguer un troisième mandat, mais le peuple a refusé.
Pour la petite histoire, la famille Uribe avait des liens avec Pablo Escobar, chef du cartel de drogue de Medellín. Il y a quelques années, le jeune Álvaro était haut fonctionnaire à l’agence nationale chargée des licences de vol et autres autorisations contrôlant le trafic aérien. La DEA (agence antidrogue étatsunienne) l’avait listé à l’époque comme narcotrafiquant.
Les FARCS
Lorsque Chavez est arrivé au pouvoir en 1999 au Vénézuéla, la Colombie a reçu une aide monétaire de la part des États-Unis grâce au « Plan Colombia » devenant ainsi le troisième bénéficiaire de l’ »altruisme » étatsunien, après Israël et l’Arabie Saoudite — d’autres pays pas très soucieux des Droits de l’Homme. Cette générosité s’explique surtout par la présence des FARC (Les Forces armées révolutionnaires de Colombie) sur le territoire colombien, mais proche de la frontière avec le Vénézuéla. Formé en 1964, ce groupe armé d’extrême gauche — qualifié seulement par le Canada, les États-Unis d’Amérique, la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne comme un groupe terroriste — composée de 8 000 combattants en 2010, lutte non pas pour prendre le pouvoir en Colombie, mais pour que le gouvernement applique une politique plus sociale, et particulièrement en faveur des travailleurs pauvres. Ces demandes ont été faites en 1993 lors de leur VIIIe conférence. Malgré les récents coups de boutoir et la mort de Mono Jojoy (chef du bloc oriental des FARC, tué le 22 septembre 2010), la situation pourrit et le gouvernement préfère utiliser le bâton plutôt que négocier sur des propositions légitimes.
En septembre 2010, la sénatrice du Parti libéral Piedad Cordoba a été révoquée de ses fonctions et ne peut plus faire de la politique pendant 18 ans. Son crime est d’avoir tenté des négociations de paix avec la guérilla. Des élus locaux qui ont agi de la même façon ont subi des pressions de la part du gouvernement si bien que peu de monde tente d’établir des contacts avec les FARC par peur de représailles. Une nouvelle histoire débute dans ce conflit avec la présence de Holanda, la belle étudiante hollandaise qui combat aux côtés des bêtes sanguinaires. Les FARC sont présentés comme des tueurs, grâce à des mensonges et trucages. Par exemple, le cas des soi-disant enfants-soldats dont les photos ne provenaient pas du même conflit. Il est devenu très difficile de savoir ce qui se passe réellement avec ce conflit aujourd’hui.
L’arrivée de Chavez a donc effrayé les Américains du nord. Ces derniers l’ont même accusé d’avoir financé la guérilla. En été 2010, la Colombie a affirmé que le Vénézuéla accueillait certains de ses combattants, d’où un regain de tension qui a amené les deux pays à placer des soldats à leurs frontières communes respectives. Mais depuis cet évènement, la situation entre les deux pays s’est arrangée.
Le point culminant de cette « entente » est l’extradition de Joaquín Pérez Becerra sur lequel pesait un mandat d’arrêt international. Après un simple coup de fil du président colombien, Chavez accepte de l’arrêter sans permettre à la police vénézuélienne de vérifier les motifs d’accusations. Cette affaire met dans l’embarras le président vénézuélien avec la gauche d’Amérique latine et par ailleurs, elle confirme le « rapprochement » de son pays avec son voisin colombien. Un épisode qui permet d’éloigner le spectre d’une guerre, mais qui inquiète. Pourquoi la Suède, pays de nationalité et de domiciliation de Pérez Becerra, ne l’a-t-elle pas arrêté plus tôt ? Ni l’Allemangne, pays dans lequel il a transité avant de se rendre au Vénézuéla ? Y a-t-il eu contrepartie à cet échange ? Si oui, laquelle ? Pour le moment la Colombie à promis d’extrader narcotrafiquant, Walid Makled, mais celui-ci est toujours dans une prison colombienne. De son côté, la Suède à demandé au Vénézuéla les raisons de l’extradition de Pérez Becerra.
Les (non)Droits de l’Homme
Pour en revenir à Uribe, des assassinats restent non élucidés, dont celui de Jaime Garzón un humoriste, défenseur des droits de l’Homme qui l’avait parodié. Sa récente nomination en tant que professeur à l’École nationale d’ingénieurs de Metz à suscité la controverse. Des parlementaires français et européens ont même rédigé une lettre de protestation. Elle se conclut ainsi : « Nous estimons que le système éducatif européen ne peut servir à blanchir des personnes ayant commis des violations des droits de l’homme, et que Monsieur Uribe doit répondre de celles dont il est responsable devant la justice colombienne, ou à son défaut, devant la Cour pénale internationale. »
Mais en parlant d’Uribe, je parle au passé. Qu’en est-il de Santos ? Et bien ses débuts sont prometteurs puisqu’au moins 24 personnes ont été assassinées au cours des 75 premiers jours de son mandat, dont 22 militants des droits de l’Homme, 1 journaliste et un juge. L’Organisation Internationale du Travail et la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme ont reconnu que 60 % des assassinats de syndicalistes dans le monde avaient lieu en Colombie. Il y a eu peu d’échos à ce propos tout comme la découverte de la plus grande fosse commune depuis la Seconde Guerre mondiale. Situés au parc national de la Macarena, près d’une caserne de l’armée, 2000 corps qui y seraient depuis 2005 ont été retrouvés. Les assassinats ou les tortures de ceux qui ont dénoncé son existence (Norma Irene Pérez, Marisela Uribe García) facilitent le silence. Les médias ne parlent pas non plus des enfants, leur torture et leur disparition perpétrée par les paramilitaires, qui bien qu’ils soient devenus plus ou moins incontrôlables, étaient l’arme de répression de la Colombie contre les FARCs et menaient l’expropriation des paysans au profit des multinationales il y a encore quelques années.
La Colombie est le deuxième pays au monde en terme de population déplacée sur son territoire après le Soudan. Par ailleurs, la Colombie est présentée comme un modèle de sécurité, alors que selon une étude réalisée en 2007, 4,2 millions de Colombiens ont fui leur pays d’origine pour aller vivre au… Venezuela.
Le gouvernement de Santos semble vouloir accélérer l’application de la loi 975 de 2005, dite « loi Justice et Paix » qui instaure un programme de démantèlement des paramilitaires, ainsi que la restitution des terres qu’ils s’étaient accaparées. Comme le démontrent ses nouveaux liens avec le Vénézuéla, le nouveau gouvernement colombien change sa ligne de conduite. Cela durera-t-il ?
Le discrédit sur la Colombie ne connaît pas le même succès auprès de nos médias que celui du Vénézuéla. Pourtant, les gouvernements colombiens successifs ne se sont jamais trop préoccupés des Droits de l’Homme. Cela s’explique par les enjeux financiers que représente la Colombie, puisqu’il est facile pour une entreprise étrangère d’investir dans le pays alors que le Vénézuéla est plus protectionniste. Il y a aussi l’inquiétude que le pays socialiste puisse faire l’effet boule de neige dans les pays aux alentours. Et de ça les États-Unis n’en veulent pas…
Photo : Dans la fosse de La Macarena ont été découverts plus de deux mille cadavres de personnes tuées par l'armée colombienne. AFP