Hugo Chavez l'anti-impérialiste

chavez_obama.jpgChavez a refait parlé de lui lors du conflit en Libye, où il disait soutenir Kadafi et proposait une médiation diplomatique plutôt qu'une intervention militaire, proposition reprise avec scepticisme par les médias occidentaux. Généralement, quand Chavez est évoqué dans nos médias, c'est rarement pour en faire son éloge. De nombreuses contre-vérités sont dites à son sujet. La raison principale est que le Vénézuéla a régulé les investisseurs étrangers. Les États-Unis voient d'un très mauvais oeil un second foyer socialiste — après Cuba — en Amérique latine, d'autant que la "révolution bolivarienne" conserve l'adhésion des couches populaires du fait qu'elles ont été les principales bénéficiaires des réformes mises en place depuis 1998.

Hugo Chavez, l'anti-étatsunien


Le Vénézuéla est sur la liste noire des États-Unis et de nos médias depuis l'élection d'Hugo Chavez comme président en 1998.

Pour deux raisons à cela : c'est un socialiste qui pratique la "révolution bolivarienne". C'est une révolution pacifique et démocratique qui puise certaines idées dans l'idéologie de Simon Bolivar, un homme qui s'est battu contre les empires coloniaux en Amérique du Sud. Chavez est pour une indépendance économique du Vénézuéla, un partage plus égalitaire et changer un système bureaucrate miné par la corruption comme de nombreux pays d'Amérique du Sud. Chavez est profondément anti-impérialiste et refuse de se laisser imposé un dictat néo-libéral qui pillerait les ressources de son pays. Il a donc massivement nationalisé de nombreux secteurs de l'économie Vénézulienne, se mettant ainsi à dos la caste bourgeoise qui détient du pays.

Le second point est une conséquence du précédent. En nationalisant son économie, dont ses ressources pétrolières, il empêche les sociétés étrangères d'investir au Vénézuéla. Ça ne plait pas à l'Oncle Sam, qui ne peut plus exploiter cette importante région pétrolière, alors que la Chine, son principal ennemi économique, a signé des accords pouvant exploiter certains gisements.

Préparer un coup d'État, une spécialité occidentale


La politique socialiste de Chavez horripile les Étatsuniens, car elle empêche les investissements au Vénézuéla. Habituée à ce genre de dissidence, la CIA a pour habitude d'intervenir dans les affaires des pays qui ne respectent pas les conditions nord-américaines. L'agence essaie de mener à bien un coup d'État quand la corruption n'a pas fonctionné. Je vais citer l'exemple du Chili. Le 11 septembre 1973, un coup d'État orchestré par la CIA renverse Salvador Allende et propulse Augusto Pinochet au pouvoir. Le régime que cet ami des États-Unis va mettre en place aboutira à des milliers de morts, de disparus, d'exilés et de torturés. L'Amérique latine est l'arrière-cour des États-Unis. Le pays le plus industrialisé du monde n'a cessé d'y pratiquer le néo-colonialisme — qui consiste à mettre en place des gouvernements qui agiront en leur faveur en matière économique — depuis l'indépendance d'Haïti en 1804.

Mais le continent américain n'est pas le seul à subir des ingérences. En Afrique, il y a eu le meurtre de Thomas Sankara. Ce dernier a été président du Burkina Faso le 4 août 1984 jusqu'à son assassinat, le 15 octobre 1987, dirigé par son ami et bras droit Blaise Compaoré — soutenu par la France, mais aussi de... la CIA — qui est depuis ce temps-là toujours à la tête du Burkina Faso. Sankara, à perdu la vie pour avoir mené une politique en faveur de son peuple et de rendre son pays non dépendant du Club de Paris — ce club inclut l'Union européenne, l'Amérique du Nord et la Russie.

Quelques années plus tard, dans un lieu et un contexte différent, Chavez a mis en place au Vénézuéla une politique similaire que Sankara. C'est donc logiquement qu'en 2002 un coup d'État est perpétré. Il durera deux jours avant que le peuple n'intervienne et que Chavez réintègre ses fonctions de président. Le Southcom — armée américaine — a participé à cette tentative de renversement, alors qu'aucune violation des Droits de l'Homme (DDH) n'a été commise au Vénézuéla durant le mandat de Chavez — contrairement au régime meurtrier de Pinochet qui n'a jamais été inquiété par les États-Unis, car il n'était pas un obstacle aux prétentions hégémoniques de l'Empire. Durant cet intermède de deux jours où Chavez sera arrêté par les putschistes, les États-Unis et la présidence espagnole ont salué l'arrivée du nouveau "président", Pedro Carmona, qui pendant ce temps faisait arrêter tous les "chavistes" du gouvernement. La loyauté des militaires et la popularité de Chavez auprès des Vénézuéliens on permit de renverser ce coup d'État.

Une nouvelle tentative de coup d'État contre Chavez n'est pas à exclure. Le 21 novembre 2010, alors que tous les médias avaient les yeux tournés vers Lisbonne et le sommet de l'OTAN, a eu lieu à Santa Cruz un sommet où se sont réunis les ministres de la Défense d'Amérique. Lors de son intervention, Evo Morales, président de la Bolivie, pays membre de l'Aliance bolivarienne et ami de Chavez, a rapporté des propos de Connie Mack (républicain de Floride, chef du Sous Comité des Relations Extérieures pour l'Hémisphère Occidental et un nouveau membre du congrès) : « j'espère que quand nous deviendrons la majorité au Congrès et que je serai président de la sous-commission, nous ferons justement ça : nous charger de Chávez, autrement dit le vaincre politiquement ou le liquider physiquement ».

Désinformation des médias


Le coup d'État n'ayant pas marché, il ne reste que la désinformation pour tenter de nuire au régime bolivarien — il est difficile aux États-Unis de justifier une guerre contre le Vénézuéla puisqu'il n'enfreint pas les DDH. Voici donc ce que l'on entend souvent dans les médias qui s'avèrent être faux

 — "Chavez est un dictateur parce qu'il a changé la Constitution qui lui permet de rester président". En fait, il a prolongé le mandat présidentiel de 5 à 6 ans et a permis une réélection immédiate du président sortant alors qu'auparavant, il devait attendre 10 ans. En effet, si le peuple le plébiscite, il peut rester président à vie. Comme dans tous régimes démocratiques, il doit passer l'épreuve des élections pour se maintenir. Par ailleurs, il a instauré un ministère de la Participation populaire qui permet la révocation du président en cas de mécontentement du peuple ((article 72 de la Constitution).

— "Chavez contrôle les médias" On reproche à Chavez de contrôler les médias or, environ 80 % d'entre eux sont privés. On y trouve surtout deux grands groupes : Venevision et RCTV. À eux deux ils bénéficient de 85 % des recettes publicitaires de la presse. Ces deux médias ont participé à la tentative de putsch d'avril 2002. Venevision a mis à disposition ses locaux pour le putschiste et homme d'affaires Pedro Carmona — aujourd'hui en exil en Colombie — des armes ont été trouvées dans des locaux et des contacts ont eu lieu entre le patron de Venevision et la CIA durant le putsch. RCTV quant à elle "diffusa en boucle des messages pour encourager les gens à participer à la marche du 11 avril visant à renverser Chávez". Après le putsch, le patron de RCTV est venu "jurer fidélité au tout nouveau dictateur, Pedro Carmona, qui venait d'abolir la Cour Suprême, l'Assemblée Nationale et la Constitution [...]". De tels actes aurait été condamnée en France une fois la démocratie rétablie, ce que n'a pas fait immédiatement Chavez. C'est en mai 2007 que Chavez va fermer RCTV. Le parlement européen, mené par Jean-Marie Cavada et Reportères sans frontières, a dans un premier condamné cette fermeture. Mais au fur et à mesure que des informations leur parvenaient, ils ont atténué leurs propos. Pour des informations plus détaillées sur les médias Vénézueliens, lire la conférence donnée par le journaliste et écrivain Maxime Vivas sur les médias vénézuéliens.

— "L'insécurité progresse" En effet, le pays est en proie à de fortes violences (en 2008). Durant de nombreuses années, la pauvreté a créé un terreau favorable à la violence. Il arrive un seuil où même en améliorant la situation des citoyens les plus pauvres, la donne ne change pas. En essayant d'endiguer la violence, la corruption de nombreux fonctionnaires de police a été mise à jour. Ainsi, en octobre 2009, le Centre de formation policier (Cefopol) de l'Université nationale expérimentale de la Sécurité (Unes) a été inauguré. Les premiers policiers ont fini d'être formés, mais il va falloir attendre plusieurs mois avant qu'ils ne soient déployés dans tout le pays et que l'ont puisse juger de leur efficacité. Chavez a également durci les peines envers les fonctionnaires accusés de corruption.

— "La gestion de l'eau et de l'électricité est encore déficiente" L'accès à l'eau est un des reproches que l'on fait à Chavez. Mais ces lacunes ne sont pas pas propres à son gouvernement, mais aussi à ses prédécesseurs. Le chantier pour la reconstruction du pays étant tellement vaste qu'il a fallu faire des choix. Chavez a choisi dans un premier temps de rompre avec l'ingérence des Américains et des industriels tout puissants. Il a voulu rapidement améliorer le pouvoir d'achat des plus démunis une solution qui eu a des résultats immédiats permettant de conserver son électorat. Maintenant, Chavez devra s'attaquer aux problèmes de l'eau en réduisant sa dépendance à l'énergie hydroélectrique permettant à l'avenir d'éviter une nouvelle sécheresse comme cette année. Quant à l'électricité, les accords avec la Russie pour la création d'une centrale nucléaire montrent la volonté de faire évoluer la situation, un choix discutable, mais qui montre une volonté d'indépendance énergique - le Vénézuéla possède de nombreuses mines d'uranium.

L'affaire Kadhafi


Hugo Chavez a été évoqué dans les médias occidentaux ces derniers temps en raison de ses propos controversés au sujet de la Libye et de Kadhafi. Il ne s'agit pas de défendre le dirigeant libyen ni les positions de Chavez, mais d'apporter une analyse nuancée afin d'éclaircir les zones d'ombres de la guerre en Libye.

Dans l'émission diffusée sur Canal +, Le grand journal, le journaliste Jean-Michel Aphatie a tenté de piéger Jean-Luc Mélenchon. Le coprésident du Parti de gauche soutient la politique d'Hugo Chavez qui, durant les révoltes en Libye, n'a pas condamné les actes de Kadhafi. Pour Aphatie, adepte des raccourcis facile — il ne voulait pas que Mélanchon détaille ses réponses alors que le contexte à besoin d'être développé pour bien comprendre la situation — Chavez soutient Kadhafi ainsi que les représailles contre les rebelles. Pour preuve, il nous montre un extrait d'une intervention du président vénézuélien. Dans le passage diffusé, Chavez exprime son soutien à Kadafi. Toutefois, il aurait été plus honnête de la part du journaliste de montrer un peu plus longuement la vidéo. On aurait alors découvert un discours où Chavez s'interroge sur ce qui est dit dans les médias et avoue ne pas bien savoir ce qui se passe du côté de la méditerranée : « Ceux qui viennent de le condamner ont leurs raisons. Peut-être ont-ils des informations que nous n´avons pas ». Fidel Castro, qui rédige régulièrement des articles sur l'actualité internationale, ajoute : « On peut être d'accord ou non avec Mouammar Kadhafi. Le monde est actuellement bombardé de nouvelles de toutes sortes, surtout produites par les médias. Il faudra attendre le temps nécessaire pour connaître vraiment ce qu'il y a de vrai et de mensonges ou de semi-vérités dans ce qu'on nous dit de la situation chaotique en Libye »

Déclaration de Chavez le 28 février, lors de la graduation de trois mille étudiants retransmise par la chaîne de télévision d'État VTV :

Chavez se réfère putsch attenté contre lui en 2002 où les médias avaient déformé la réalité en déclarant que le peuple vénézuélien subissait un massacre : « La ligne politique est de ne soutenir aucun massacre. Mais en Libye on assiste à une campagne de mensonge similaire à celle qui avait été lancée contre le Venezuela en 2002 ». Dans l'histoire récente des interventions militaires, le prétexte était soit mensonger — Irak —, soit non prouvé comme au Kosovo où les corps des prétendus 100.000 civils massacrés n'ont jamais été retrouvés. Jamie Shea, porte-parole de l'OTAN, reconnaissait en 2001 « qu'il n'y avait pas eu un génocide au Kosovo ».

Au lieu d'une intervention militaire, Chavez a alors proposé une « mission de médiation internationale formée de représentants de pays d'Amérique latine, d'Europe et du Moyen-Orient pour tenter de négocier une issue entre le pouvoir libyen et les forces rebelles ». La Ligue arabe avait acceptée ainsi que l'Organisation de l'Unité africaine et Kadhafi lui-même.

« Je vais le dire avec beaucoup de respect à tous les gouvernements du monde, mais moi, je ne suis pas une girouette […] qui tourne en fonction du vent qui souffle. Ah ! comme tout le monde dit aujourd'hui que Kadhafi est un assassin, Chávez va dire aussi que Kadhafi est un assassin ? Eh, bien, pas que je sache. Et avec la distance, je ne vais pas condamner – je serais un lâche de condamner celui qui a été mon ami depuis si longtemps, sans savoir exactement ce qui se passe en Libye ». Ces propos montrent les qualités humaines de Chavez. Mais lorsqu'on dirige un pays, il faut savoir prendre des distances lorsqu'une situation atteint des niveaux aussi dramatiques qu'en Libye. Une bourde diplomatique ? Sans conteste.

Le discours de Chavez est aussi repris par les autres régimes de gauche progressiste d'Amérique latine — Bolivie, Cuba, l'Équateur, Nicaragua, etc. Les déclarations du Brésil représentent leur point de vu : « un cessez-le-feu effectif, le plus rapidement possible, capable de garantir la protection de la population civile et créant les conditions pour que la crise soit résolue à travers le dialogue ». Autre convergence d'idées, le combat mené par Kadhafi est selon eux anti-impérialiste. Mais c'était le cas il y a... quarante ans. Au cours de ces dix dernières années, la Libye est devenue un partenaire en matière de vente d'armes et de (non)immigration avec de grandes puissances comme la France ou l'Italie. Le jusqu'au-boutisme anti-impérialisme semble bien les déconnecter de la réalité.

Dans ce conflit, deux visions du monde se confrontent. Il y a ceux qui obtiennent par la force engendrant toujours plus de misère dans les pays où ils interviennent, et ceux qui préfère le dialogue. Cette affaire témoigne du double discours des Occidentaux qui promeuvent selon la situation la démocratie et les droits de l'Homme ou la réalpolitik qui consiste à faire passer les intérêts — économique — du pays avant tout. Même si pour cela il faut soutenir des dictatures — Tunisie et Égypte. Quant aux pays progressistes, ils ont une grille de lecture plus centrée sur les peuples, mais au nom de l'anti-impérialisme certaines alliances ne correspondent pas à leur philosophie.

Il y a encore du travail à faire !


Malgré sa politique envers les plus démunis, le Vénézuéla est encore loin d'être parfait. La pauvreté demeure et les inégalités sont criantes. Certains mouvements sociaux non alignés au parti de Chavez (PSUV) sont parfois brimés. La reconstruction du pays va être longue après des années de dictatures et de démocratie néo-libérale qui ont favorisé les inégalités et la pauvreté des citoyens. Chavez à parfois recours à une politique clientéliste qui consiste à financer des manifestations en sa faveur ou à acheter des indigènes pauvres, en leur offrant de l'électroménager.

Il y a donc encore du travail à réaliser dans ce pays qui est dans une dynamique positive. Son choix de société, la révolution bolivarienne, qui nationalise les secteurs clés de son économie, déplait fortement aux multinationales américaines et européennes qui ne peuvent venir piller les ressources du pays. Afin de fragiliser le pays, les Occidentaux usent alors de la propagande médiatique pour isoler le Vénézuéla, comme cela avait été le cas à Haïti sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide. On lui reproche d'avoir un gouvernement autoritaire qui bafoue la démocratie ce qui n'est pas prouvé. En revanche, on évoque moins le cas du voisin colombien qui est loin d'être un modèle de vertu.
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