Noam Chomsky - 11/9 : Autopsie des terrorismes

Noam Chomsky - 11/9 : Autopsie des terrorismesNoam Chomsky est un linguiste et philosophe politique américain. Il est professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Ce livre est un recueil d'entretiens qu'il a menés juste après les attentats du 11 septembre 2001. Il explique les causes, sans les cautionner, qui ont provoqué ces actes que peut de médias ont relayé et qui provoque chez les occidentaux l'incompréhension voir la haine des pays musulmans.
En voici une synthèse :

I. Les fusils sont braqués dans l'autre sens

Pour Chomsky, ces attentats viennent en représailles après de nombreux conflits perpétrés par les États-Unis. Selon la définition des manuels militaires américains ces conflits sont des actes terroristes : « usage calculé de la violence ou de menaces de violence afin d'inculquer la peur ; dans le but de contraindre ou d'intimider des gouvernements ou sociétés quant à la poursuite de certains objectifs ; généralement politiques, religieux ou idéologiques ».
Par exemple, les Américains ont miné des ports nicaraguayens, car elle n'acceptait pas le nouveau gouvernement.
Les États-Unis ont été condamnés en 1985 par la Cour internationale de justice (CIJ), mais les sanctions n'ont pas été effectives, les États-Unis ayant refusé de dédommager le Nicaragua.
Le cas du Nicaragua n'est pas isolé et il n'est donc pas étonnant les fusils tirés dans l'autre sens.

II. Peut-on gagner la guerre contre le terrorisme ?

Chomsky ne répond pas directement à cette question. En revanche, il est sur que la méthode de la force choisie par les États-Unis n'est pas la bonne. Quand un acte terroriste à lieu, les autorités locales cherchent généralement à découvrir qui en a été l'instigateur et tente de l'appréhender, comme se fut le cas à Londres lorsque l'IRA était encore en activité. Mais les États-Unis procèdent autrement : ils veulent un coupable tout de suite. Sans savoir qui a vraiment commis ces attentats, ils décident d'aller attaquer l'Afghanistan.
Chomsky revient sur le conflit avec le Nicaragua. Lorsque les États-Unis ont attaqué ce tout petit pays, celui-ci n'a pas répliqué, mais a fait appel à la CIJ. Mais comme ce n'est pas un pays très puissant, cela s'est avéré inefficace. Si le Nicaragua avait été la 1re puissance mondiale, la donne aurait changé et les sanctions auraient été appliquées. Ce serait une solution pour les États-Unis d'utiliser cette Cour pour retrouver les auteurs des attentats, mais ils préfèrent user de la force.

III. La campagne idéologique

Le but de l'affrontement entre les deux camps est différent. Les membres du réseau Ben Laden s'inquiètent aussi peu de la mondialisation et de l'hégémonie culturelle que des déshérités et des opprimés qu'ils font terriblement souffrir au Moyen-Orient depuis des années. Ils nous disent clairement quelles sont leurs préoccupations : « ils mènent la guerre sainte contre les régimes corrompus, répressifs et non islamistes de cette région du monde et de ceux qui les soutiennent ». Ceux qui ont interviewé Ben Laden « racontent qu'il ne connait pratiquement rien du reste du monde et que ça ne l'intéresse pas. »

Du côté américain, c'est un autre son de cloche. Chomsky ne croit absolument pas à la théorie de complot. En revanche, pour le gouvernement américain ces attentats sont une aubaine, car il va pouvoir accélérer ses programmes : sécurisation du territoire, militarisation excessive, détournement des questions sur les inquiétudes de la mondialisation ou de l'environnement, enrichissement des personnes les plus riches. Ces prémonitions se sont avérées exactes puisque peu de temps après, la loi du patriot act a été votée, détruisant de façon vertigineuse le droit à la vie privée des citoyens américains.

Les États-Unis utiliseraient le personnage de Ben Laden comme personnification du mal. Bien que le réseau dont il était un des chefs est directement impliqué dans les attentats, personne ne sait vraiment le rôle qu'a eu ben Laden dans la préparation de cette tuerie. « Il est beaucoup plus facile de personnifier un ennemi, qui devient ainsi le symbole du mal suprême que de comprendre ce qui est à la source de crimes terribles. »

Ben Laden serait-il l'incarnation de Goldenstein ?

IV. Crimes d'État

Les États-Unis sont très clairs ils ne veulent pas faire alliance avec des pays terroristes ou des pays les soutenant.
Pourtant, le gouvernement Clinton (qui a dit qu'il y a eu de bons présidents américains ?) a contribué à l'armement de la Turquie qui pendant ce temps menait une politique de terreur envers la population kurde. Idem en Israël.
Avec ces soutiens le gouvernement américain garde les mains propres et une image de pays pacificateur luttant contre le "mal". Il peut ainsi prétexter d'une « fausse note » dans leur engagement pour « mettre fin à l'inhumanité » quand il est critiqué. Mais les Américains attisent la haine du peuple des régions oppressées.

Le cas de l'usine de produits pharmaceutiques d'Al Shifa au Soudan a été très peu évoqué. Cette usine a été bombardée en 1999 (gouvernement Clinton). Chomsky a qualifié cet évènement d'aussi monstrueux que les attentats du 11 septembre, scandalisant bon nombre de personnes. Pourtant à y regarder de plus près les effets à long terme de ce bombardement américain sont bien plus désastreux que l'effondrement des tours jumelles. Cette usine fabriquait 90 % des médicaments les plus utilisés du Soudan. À cela s'ajoutent des sanctions qui interdisent au Soudan d'importer suffisamment de médicaments pour parer à la pénurie due à la destruction de l'usine. Ce manque de médicaments permet aux maladies de se répandre sur toute une population sans que la communauté internationale ne bouge le petit doigt.

Juste avant ce bombardement, Le Soudan avait informé Washington qu'il détenait deux individus soupçonnés d'avoir lancé des bombes contre des ambassades américaines. Mais les USA ont rejeté l'offre de coopération. Après la destruction de l'usine, le Soudan a relâché les deux hommes, identifiés depuis comme étant membres du réseau Ben Laden.
Le Soudan disposait de nombreuses informations sur le réseau Ben Laden et l'échec des négociations entre les deux pays a été « la clé de tout ce qui arrivé ensuite ».
La direction de la CIA avouera même qu'« il est convenable de dire que si nous avions possédé ces données, nous aurions eu de meilleures chances de prévenir ces attaques ».

V. Le choix des armes

Dans les pays arabophones, le 11 septembre est vu comme une victoire du petit contre l'oppresseur. Une forme d'espoir pour tout les peuple de paysans attaqués par les grandes puissances. Une attaque des États-Unis renforcerait cette frustration et ne ferait qu'attiser la haine dans toute cette région.
Le réseau Ben Laden est beaucoup moins armée que les Américains, cependant ils ont le soutien de populations qui en ont assez d'être victime de ces jeux de pouvoirs et d'influences.
Ben Laden compte sur l'instabilité de certaine région pour accentuer son influence : Tchétchénie, Cachemire, l'ouest de la Chine, l'Asie du Sud-est et un peu plus loin la Bosnie, l'Afrique du Nord.
« Une attaque de l'Afghanistan sans preuve tangible sur la responsabilité des taliban et de Ben Laden dans les attentats du 11 septembre mettrait bien dans l'embarras l'administration américaine. »

VI. Les civilisations en question, à l'Est et à l'Ouest

En tant que linguiste Chomsky définit le terme "communauté internationale". Ce terme utilisé par les intellectuels et les médias définit seulement les Occidentaux et leurs alliés. Cette communauté internationale ne prend jamais en compte les petits pays qui ne sont pas suffisamment influents pour pouvoir avoir la possibilité d'être entendu.
Pour les Occidentaux il n'y a qu'eux-même qui compte.

Le "choc des civilisations" annoncé entre les chrétiens et les musulmans n'a pas lieu d'être, comme le montre la bonne entente entre l'administration Clinton et l'Indonésie ou encore le soutient apporté par les États-Unis et l'Angleterre à l'Irak dans les années 1980.
D'ailleurs, ce mot civilisation est erroné : « aucun monde civilisé ne plongerait notre planète dans une guerre majeure ».

Selon Chomsky, ces attaques contre le World Trade Center sont indirectement liées à la politique américaine. Elles ont été perpétrés par des réseaux terroristes, entrainés pour repousser les Soviétiques d'Afghanistan en 1979 par la CIA, l'Égypte, le Pakistan, les services secrets français, les fonds saoudiens... En 1980, Ben Laden a rejoint ces groupes. En 1981, peu après la retraite russe ces groupes ont tué le président Égyptien Sadate, qui les avait pourtant mis en place. Quand les Américains se sont installés militairement en Arabie Saoudite (pays comportant de nombreux lieu sacré de la religion musulmane), Ben Laden l'a comparé à l'invasion russe en Afghanistan. L'Égypte et l'Arabie Saodite sont les principaux ennemis du réseau Ben Laden.

VII. Après les bombes

Une guerre provoque inévitablement des dommages collatéraux dont les principales victimes sont les populations, soit par la mort directement après un bombardement ou indirectement par le manque de soins ou de nourriture.
Mais rien que l'annonce d'une attaque en Afghanistan a eu un impact retentissant. Les organisations humanitaires ont évacué certaines zones et déjà la population est en proie à la famine.
Après les attentats du 11 septembre, la répression des taliban s'est intensifiée et les frontières de l'Afghanistan ont été fermées pour empêcher toute fuite des membres du réseau Ben Laden.

Le livre se termine par la communication dans ce genre d'évènement et il énumère un cas unique, la chaine qatarienne Al-Jazira.
En occident, elle n'est pas très bien perçue puisqu'elle laisse des terroristes exprimer leurs opinions comme l'a régulièrement fait Ben Laden. Elle est une épine dans le pied américain puisqu'elle n'hésite pas a diffusé, les actes de mépris des États-Unis envers les droits de l'Homme. Les différents gouvernements américains ont essayé de faire pression sur l'émir du Quatar pour « édulcorer » les reportages de la chaine.



Chomsky éclaircit dans ce livre de nombreux points autour des attentats du 11 septembre, critiquant fortement les différentes administrations américaines qui ont attisé de la rancoeur des populations à travers différentes régions du monde. Il refuse l'idée de complot propagé à grande échelle par le biais d'Internet.
Une vision moins unilatérale que nous livrent les médias (radios, presse, tv) expliquant les mécanismes qui ont ammené les attentats.
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